La politique familiale régresse en France

Publié le par Laute Alain

Dans la société française d'aujourd'hui où l'ultra-libéralisme est roi, les enfants comme la famille ou les salariés sont réduit en terme de coût. Ce qui en dit long sur ce que nous réservent les sociaux démocrates et la droite dure demain.

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Deux rapports du Haut Conseil de la Famille qui traduisent les graves insuffisances de la politique familiale en France

Lors de sa séance du 9 juillet 2015, le Haut Conseil de la famille (HCF) a adopté le rapport Le « coût de l’enfant » et examiné les premiers éléments quantitatifs sur le développement de l’accueil des jeunes enfants 2014. L’UFAL, qui est membre de plein droit du HCF était présente et a contribué autant qu’elle a pu aux débats, dans un cadre institutionnel fortement acquis aux débats technocratiques et peu enclin aux débats.

L’échec du projet gouvernemental en matière d’accueil collectif du jeune enfant

Rappelons que le gouvernement Ayrault avait annoncé en 2013 que le développement de l’accueil collectif de garde était l’une de ses priorités politiques. Pas moins de 400 000 places d’accueils supplémentaires étaient promises à l’horizon 2017 sous forme de places de crèches, d’assistantes maternelles et de places supplémentaires d’école maternelle dès 2 ans. Cela devait être la (maigre) contrepartie à la réforme des prestations familiales qui s’est traduite par une réduction massive des dépenses de prestations familiales et par une réduction déguisée du complément de libre choix d’activité au nom de l’égalité femmes/hommes.

L’UFAL a eu l’occasion de s’exprimer en détail sur ce plan d’économie dramatique pour les familles et a affirmé haut et fort son hostilité au contenu de la loi famille, de même qu’à la modulation des allocations familiales. Le développement de 400 000 places d’accueil collectif inscrit dans la Convention d’Objectifs et de Gestion 2013-2017 de la branche famille constituait donc le seul (petit) motif de satisfaction, bien que l’UFAL ait toujours considéré l’objectif comme insuffisant et … inatteignable avec les moyens alloués, du fait notamment du rabotage du Fonds National d’Action sociale de la CNAF. Et bien le rapport du HCF vient de donner magistralement raison à notre mouvement. Hélas …

Les réalisations 2014 en matière d’offre de garde sont très en deçà des objectifs en 2014.

Selon le projet de note du HCF révélé par la lettre Protection Sociale Informations, l’objectif de création de places d’accueil collectif fixé dans la COG État-Cnaf pour l’année 2014 n’est atteint qu’à 34 %, 42 % sur les deux premières années de COG. Le bon rythme des créations brutes a été contrebalancé par un important mouvement de destructions de places et une utilisation sous-optimale des places disponibles. En 2014, on comptait donc 395 000 places pour 920 000 enfants de moins de trois ans accueillis (à titre de comparaison, la France compte 2,4 millions d’enfants de moins de 3 ans).

Le bilan est encore plus négatif pour l’accueil individuel avec un nombre d’enfants de moins de trois ans gardés par une assistante maternelle encore en baisse en 2014 (610 000 enfants gardés en 2014 contre 620 000 l’année précédente). Concernant la garde au domicile des parents, la tendance baissière observée en 2013 perdure avec une baisse du nombre d’employeurs et des heures facturées.

Quant à la scolarisation des enfants à deux ans, elle a même très légèrement reculé entre les rentrées 2013 et 2014, rendant impossible l’atteinte de l’objectif de 15 000 enfants supplémentaires accueillis par an. À la rentrée, le HCF fera le suivi de ses propositions en matière de relance pour l’accueil collectif et étudiera les raisons de l’infléchissement du développement de l’accueil individuel. Il proposera une nouvelle méthode calcul des aides de garde individuelle par le biais du Complément mode de garde (CMG). La commission protection sociale de l’UFAL a travaillé sur ce nouveau barème extrêmement complexe et fait des simulations à partir des paramètres du HCF. Au vu des premiers résultats, il y a fort à parier que ce nouveau barème ne résoudra que marginalement les problèmes soulevés en matière d’accueil individuel (en particulier l’effet inflationniste sur le coût des assistantes maternelles) tout en occultant l’essentiel : le manque crucial de places de crèches auquel le gouvernement s’est visiblement résigné.

Le HCF réduit l’enfant à son coût

Le Haut conseil a également adopté le rapport et propositions sur le « coût de l’enfant ». L’évaluation du « coût de l’enfant » est devenu la nouvelle thématique en vogue au sein du HCF, qu’il s’agisse de calculer un coût moyen de l’enfant, un coût minimal (« décent ») ou le supplément de revenu disponible qu’il faudrait donner à ses parents pour maintenir leur niveau de vie par rapport à la situation où ils n’auraient pas enfant. Les travaux d’évaluation fournissent des références sur le niveau du coût de l’enfant et ses facteurs de variation.

Le rapport adopté par le HCF est divisé en deux sections.

La première présente les différentes méthodes et études existantes permettant d’évaluer le coût de l’enfant et en discute les apports et les limites.

La seconde section décrit la logique de prise en compte de ce coût dans les différents barèmes des prestations sociales et de la fiscalité.

La couverture du coût de l’enfant par les différents dispositifs sociaux et fiscaux est très variable selon la définition que l’on retient de ce coût et le champ – plus ou moins large – des dépenses et des aides considérées.

La question est évidemment importante et les travaux réalisés instructifs. Il est d’ailleurs appréciable de voir le HCF en arrive à mettre en évidence des coûts absents des budgets types de l’UNAF et des chiffrages habituels.

Toutefois, nous ne pouvons que regretter amèrement que ce rapport tende à réduire l’enfant à son coût réel ou supposé.

C’est nier en particulier le facteur temps qui constitue une dimension centrale des charges de famille. Nous déplorons en ce sens que le HCF s’en tienne à une approche classique de la question familiale et ne tire pas les conséquences de la valorisation du temps parental et des répercussions professionnelles de la parentalité, comme si elles ne relevaient pas de la politique familiale.

Plus grave, il faut bien comprendre que cette réduction « économiciste » de l’enfant à sa valeur monétaire n’est que le paravent d’un projet plus large :

La négation de la branche famille en tant que part intégrante de la Sécurité sociale que justifie son financement patronal par la cotisation sociale, lequel confère aux prestations familiales une dimension indéniable de salaire socialisé.

A cet égard, il y a lieu de comprendre que les travaux du HCF ne sont que le pendant des travaux du Haut Conseil du Financement de la Protection sociale (HCFiPS) qui réfléchit actuellement à la suppression de la cotisation sociale de la branche famille, ce qui aura pour conséquence de transformer celle-ci en simple vecteur de redistribution fiscale à destination des familles les plus pauvres. Au prix d’une grave menace sur le rôle des Conseils d’Administration de la branche famille et d’une terrible remise en cause de la cohésion sociale entre les familles.

 

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