Tsipras "3", une dernière chance !

Publié le par Laute Alain

Le 21 septembre 2015

Le 21 septembre 2015

Tsipras 3”, un gouvernement de fidèles prêt à reprendre les négociations

23 septembre 2015 | Par Amélie Poinssot Médiapart.

Formé mardi 22 septembre dans la continuité du précédent, avec l'allié souverainiste antiaustérité des Grecs indépendants, le nouveau gouvernement grec entérine le virage centriste et pragmatique de Syriza.

Alexis Tsipras l'a dit le soir des élections, dimanche : « Le peuple grec a donné un mandat clair pour que notre bataille continue ! » De fait, les électeurs grecs ont désigné une nouvelle assembléeDès dimanche soir, Alexis Tsipras et Panos Kammenos, le leader des Grecs indépendants, le parti souverainiste et antiaustérité, avaient annoncé un gouvernement de coalition entre leurs deux partis, comme en janvier. Le leader de Syriza, qui a affronté l'opposition des dirigeants européens pendant six mois, aura donc réussi ce tour de force de remporter, en Grèce, son troisième scrutin de l'année. Et, au passage, d'éliminer son opposition de gauche, qui, après avoir quitté le groupe parlementaire de Syriza cet été, avait formé un parti concurrent pour les élections. Ce dernier, Unité populaire, emmené notamment par l'ancienne présidente du parlement, Zoi Konstantopoulou, avec le soutien de l'ancien ministre des finances, Yanis Varoufakis, n'est pas parvenu à décrocher un seul siège dans la nouvelle assemblée. Alexis Tsipras sort renforcé de ce scrutin, alors qu'à Bruxelles, on misait jusqu'au dernier moment sur une alliance de Syriza avec le centre et les socialistes, voire sur une grande coalition avec la droite. C'était se méprendre, une fois de plus, sur l'échiquier politique grec…

Tsipras va pouvoir aborder de nouvelles négociations à Bruxelles fort de cette confiance réitérée – et les discussions à venir seront nombreuses, tant sur les prochaines lois d'application du mémorandum signé en juillet que sur la restructuration de la dette publique, sans oublier le dossier européen du moment, dans lequel la Grèce est exposée en première ligne : l'accueil des réfugiés sur le continent. La Grèce a vu passer sur ses îles plus de 340 000 migrants depuis le début de l'année. Le chef du gouvernement se rend à Bruxelles dès ce mercredi pour participer au sommet européen.

Si ces élections décrites comme à haut risque révèlent, une fois de plus, la grande habileté politique d'Alexis Tsipras, il ne faut toutefois pas oublier qu'elles ont très peu mobilisé. L'abstention a atteint le taux record de 43,4 %, soit une hausse de 7,5 % par rapport à janvier. Signe, comme le montrait déjà l'atmosphère de la campagne, d'un profond rejet du système politique. Si le chef de Syriza a remporté une nouvelle bataille politique, il n'a pas réussi à convaincre des électeurs désabusés, assommés par six ans de crise ininterrompue. Le défi économique et social du nouvel exécutif est immense, et les manœuvres politiciennes n'y feront rien. L'heure est aux réformes, et à la lutte contre la corruption et la fraude fiscale, tant vantée pendant la campagne. Après sept mois de bras de fer à Bruxelles, le gouvernement est maintenant attendu sur ses résultats.

La composition de l'exécutif a été annoncée tard dans la soirée de mardi. Il s'inscrit dans la continuité de celui formé en juillet, après l'accord de Bruxelles qui avait entraîné le départ des personnalités de l'aile gauche de Syriza. Les Grecs indépendants conservent le même poids : 5 postes sur 46, dont un ministère, celui de la défense, attribué au chef du parti, Panos Kammenos. Les femmes ne sont pas plus représentées : on n'en compte que 7, dont aucune au rang de ministre. On retrouve d'ailleurs Sia Anagnostopoulou, que Mediapart avait invitée pour sa soirée de débats en juillet, au poste d'adjointe à l'éducation, à la recherche et aux cultes. Dimitris Vitsas, qui nous expliquait juste avant le scrutin le programme économique et les propositions sur le dossier des réfugiés de Syriza, est reconduit à son poste d'adjoint à la défense.

Mais ce sont les fidèles parmi les fidèles qui sont en première ligne de ce gouvernement « Tsipras 3 ». Nikos Pappas, le bras droit de toujours, est reconduit en tant que « ministre d'État », un poste central de coordination qu'il occupait dans les deux précédents gouvernements. Panos Skourletis, l'homme d'appareil, ancien porte-parole du parti, obtient cette fois-ci le portefeuille de l'environnement et de l'énergie – poste stratégique en raison des privatisations à venir – après avoir détenu celui du travail dans le premier exécutif Tsipras. Enfin, l'équipe de négociateurs remodelée après la mise à l'écart de Varoufakis est confirmée. Euclide Tsakalotos (que Mediapart avait interviewé en avril) est reconduit à la tête du ministère des finances, et il est secondé par une nouvelle entrée au gouvernement : Yorgos Chouliarakis, personnage clé des négociations, très apprécié à Bruxelles, avec qui il travaillait déjà étroitement. Yannis Dragasakis, tête pensante du programme de Syriza avant qu'il n'arrive au pouvoir, est également reconduit à son poste de numéro 2 du gouvernement, et Yorgos Stathakis, de son côté, reprend la tête du ministère de l'économie, du développement et du tourisme. C'étaient les deux figures de proue du courant modéré de Syriza, opposées à la ligne Varoufakis. Autrement dit, le gouvernement « Tsipras 3 » entérine le virage centriste et pragmatique de Syriza. Mais il s'appuie aussi, comme le précédent exécutif, sur un certain nombre d'universitaires (Christophoros Vernadakis, Sia Anagnostopoulou, Yorgos Katrougalos, Euclide Tsakalotos, Theodosis Pelegrinis, Nikos Paraskevopoulos) et un médecin (Yannis Mouzalas, ministre délégué à la politique migratoire).

« Notre objectif, a déclaré le numéro 2 du gouvernement devant la presse grecque juste avant la prestation de serment ce mercredi matin, est de concrétiser l'accord de façon juste, afin d'amener la reprise et le redressement de l'économie, et de marquer les empreintes de gauche que nous voulons laisser après notre départ. » Si les Européens ont cru enfin boucler le dossier grec le 13 juillet dernier, Tsipras et ses ministres n'ont pas dit leur dernier mot.

Publié dans Politique

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