Fric et dopage : Vive le sport !

Publié le par Laute Alain

Le rapport noir de l’athlétisme mondial

05 novembre 2015 | Par Federico Franchini (extrait).

" De la corruption presque à toutes les lignes. Du chantage et du dopage organisés à l’échelle internationale. De l’extorsion de fonds de médaillés olympiques par les plus hauts dignitaires de la Fédération internationale et de la Fédération russe. Mediapart a pu consulter en exclusivité des éléments accablants du rapport d’enquête provisoire de la commission indépendante de l’Agence mondiale antidopage.

près le scandale à la FIFA, c’est du jamais vu dans l’histoire du sport international. Mercredi 4 novembre, l’ancien patron de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), le Sénégalais Lamine Diack, en poste jusqu’en août 2015, a été mis en examen pour corruption passive et blanchiment aggravé par la justice française, suspecté d’avoir touché au moins 200 000 euros de la Fédération russe d’athlétisme (ARAF) pour couvrir des cas de dopage, a révélé i-Télé. Dans le même temps, le siège de l’IAAF à Monaco a été perquisitionné et deux anciens hauts cadres de la Fédération internationale, le conseiller juridique du président, Habib Cissé, et l’ex-chef de la commission médicale et antidopage, Gabriel Dollé, ont également été mis en examen.

Les trois hommes sont compromis dans une rocambolesque histoire de corruption internationale qui passe par Monaco, le Sénégal, la Russie et Singapour. Une affaire de chantage envers des athlètes et d’extorsion de centaines de milliers d’euros sur fond de dopage organisé, entre les plus hauts dirigeants de l’IAAF et de l’ARAF, et des athlètes médaillés aux derniers Jeux olympiques de Londres (2012).

En exclusivité, Mediapart, associé à Lyon Capitale, a pu consulter des éléments accablants du rapport d’enquête provisoire de la commission indépendante de l’Agence mondiale antidopage (AMA), qui devrait tenir lundi 9 novembre une conférence de presse spéciale à Genève. En parallèle, une information judiciaire, qui a donc abouti mercredi 4 à la mise en examen de Lamine Diack et Gabriel Dollé, a été ouverte par le parquet du pôle financier du tribunal de Paris, sous l’instruction du juge Renaud Van Ruymbeke.

Pendant près d’un an, la commission indépendante de l’AMA, créée en décembre 2014 à la suite des révélations de la chaîne allemande ARD portant sur le dopage et la corruption organisés dans l’athlétisme russe, a enquêté et vérifié les affirmations du journaliste Hans-Joachim Seppelt. Les trois membres de la commission, des experts indépendants, Richard « Dick » Pound, avocat et ancien président de l’Agence mondiale antidopage, Günter Younger, chef du département de cybercriminalité de la police de Bavière, et Richard McLaren, membre du Tribunal arbitral du sport (TAS), ont entendu une quinzaine de témoins, athlètes extorqués, lanceurs d’alerte au sein de l’IAAF et experts de l’antidopage.

Le rapport, étayé de preuves, est sans appel. Non seulement les allégations de la chaîne allemande sont confirmées, mais les enquêteurs révèlent également un système occulte de corruption entre les plus hauts dirigeants de la Fédération internationale et la Fédération russe d’athlétisme, visant à extorquer des fonds à des athlètes russes suspectés de dopage mais aussi, fait nouveau, à un Turc.

Parmi les principaux points soulevés :

- la Fédération russe d’athlétisme a bien fait chanter plusieurs de ses sportifs, sous promesse de couvrir auprès de l’IAAF leur suspicion de dopage ;

- les plus hauts dirigeants de la Fédération internationale d’athlétisme étaient complices ;
- une athlète turque, médaillée d’or olympique à Londres, en 2012, a été victime du réseau de corruption ;

- l’ex-patron de la Fédération internationale d’athlétisme, le Sénégalais Lamine Diack, a été alerté à plusieurs reprises sans réagir.

Tout commence en 2011. Quand Lamine Diack, indéboulonnable président de l’IAAF depuis 1999, nomme deux compatriotes sénégalais à des postes de conseiller au sein de la fédération. Le premier, Habib Cissé, avocat de formation, est désigné conseiller juridique auprès du président de l’IAAF. Le second, installé comme conseiller marketing, n’est autre que le propre fils de Lamine, Papa Massata Diack, dit « PMD ».

Les deux hommes vont alors curieusement récupérer la liste des athlètes suspectés de dopage par l’IAAF. L’avocat Habib Cissé va se rendre à plusieurs reprises à Moscou auprès des dirigeants de la Fédération russe d’athlétisme, et leur communiquer cette liste, hautement confidentielle. De là, le départ d’un incroyable système de corruption, presque mafieux, entre « la famille Diack », l’ex-président de la Fédération russe et ex-trésorier de l’IAAF, Valentin Balakhnichev, un entraîneur des athlètes russes, Alexey Melnikov, mais aussi Gabriel Dollé, ancien responsable de l’antidopage à l’IAAF..."

 

Publié dans Société

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