Le PNR voté à Bruxelles, et les libertés ?

Publié le par Laute Alain

PNR : beaucoup de bruit, pour quels résultats ?

Jean-Jacques Régibier Jeudi, 14 Avril, 2016 - Humanite.fr.

 

Bien que son efficacité soit contestée et qu’il soit possiblement attentatoire aux droits fondamentaux, le PNR a été voté par le Parlement européen, mettant fin à un feuilleton qui durait depuis 7 ans, alimenté par la droite et relancé par Manuel Valls.

 

En soi, cette décision serait un non événement si elle n’allait permettre, une fois de plus, de ficher à grande échelle des millions de citoyens et de faire circuler ces informations à travers toute la planète. La députée Karima Delli ( Verts/ALE ) a parlé après le vote d’un « feu vert donné à la surveillance de masse des citoyens. » Pour quels résultats ? En fait, on n’en sait rien. De nombreux députés l’ont redit au cours du dernier débat qui a précédé le vote au Parlement européen : 1/ aucune preuve n’a été apportée que le PNR permettrait de lutter efficacement contre le terrorisme 2/ dans les attentats de Paris et dans ceux de Bruxelles, le PNR n’aurait servi à rien : les terroristes venaient de leurs quartiers et n’ont pas pris l’avion.

 

Ce qui n’a pas empêché le député Alain Lamassoure ( PPE ), vibrant défenseur du PNR qu’il considère comme l’arme fatale contre le terrorisme, de clamer sur un ton accusateur : « tant de morts pour en arriver là ! », comme si un vote plus rapide du PNR aurait pu permettre de les éviter. Des paroles que le député allemand Vert Jan Philipp Albrecht a jugé « inacceptables », sa collègue Sophie in’t Veld, « inqualifiables », obligeant l’ancien ministre de Balladur et de Juppé à présenter ses excuses à tout le monde. Il n’est pas le seul à avoir instrumentalisé les attentats pour mettre en accusation tous les députés qui exigeaient des garanties démocratiques sur le PNR. Relayé par Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, le PNR était devenu au fil du temps un cheval de bataille de la droite, enfourché depuis les attentats de Paris par Manuel Valls, ambiance sécuritaire oblige, qui demandait lui aussi aux députés de voter le texte, sans avoir apporté non plus la moindre preuve de son efficacité. Aux députés de droite du Parlement européens, les députés socialistes avaient déjà répondu en novembre dernier qu’« utiliser la tragédie pour vouloir gagner des voix par le mensonge est, humainement, parfaitement méprisable. »

 

Depuis, la plupart des députés socialistes avaient fini par se ranger aux arguments de Valls, non parce qu’ils auraient été subitement convaincus à l’efficacité du PNR, mais simplement pour faire taire une polémique instrumentalisée par la droite, et de plus en plus gênante pour l’exécutif. Leurs autres collègues européens leur ont emboité le pas pour les mêmes raisons - faire taire les tirs de la droite.

Pas tous pourtant. Au cours du débat de mercredi, la députée allemande Birgitt Sippel ( S et D ), membre du SPD, a expliqué qu’elle ne voterait pas le PNR parce qu’il n’est « pas efficace et qu’il n’est pas conforme aux droits fondamentaux », se référant sur ce point aux travaux des experts de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui avaient été saisis du problème. Des positions reprises par de nombreux autres députés, y compris libéraux. Ainsi Sophia in’t Veld ( Pays-Bas, ALDE ) a déploré que ce PNR n’oblige en rien les états à collaborer entre eux - ce qui aurait pu lui donner un début d’intérêt. Un argument repris par Cornelia Ernst ( GUE/GVN, membre de Die Linke ), expliquant que « ce n’est pas en accumulant des données que l’on va lutter contre le terrorisme, aucune preuve n’ayant été apportée sur ce point », avant d’ajouter que ce qu’il faut « c’est une meilleure coordination entre les polices et les justices des différents états membres », ce que le PNR n’oblige en rien. « La sécurité sans la liberté, ça ne va pas », a-t-elle estimé. C’est aussi l’avis d’Eva Joly ( Verts/ALE ) qui fustige « une société sécuritaire aussi inefficace », expliquant que les outils pour lutter contre le terrorisme existent déjà, qu’il suffit simplement de leur consacrer plus de moyens, et que les pays européens partagent leurs informations. Eva Joly plaide par ailleurs pour la mise en place d’un Parquet européen.

 

Rappelons que le PNR – compilation de 19 informations fournies aux compagnies aériennes par les passagers qui entrent ou qui sortent d’Europe ( dates de voyage, itinéraire, informations relatives aux tickets, coordonnées et moyens de paiements utilisés, habitudes personnelles comme les préférences alimentaires, etc. ) - vient s’ajouter à 7 bases de données déjà existantes. Beaucoup de députés ont fait remarquer qu’une telle masse de données n’allait pas pouvoir être utilement traitée, à plus forte raison si les états européens ne collaborent pas entre eux. En expliquant que le PNR serait « liberticide, inutile et mensonger », Marie-Christine Vergiat ( GUE/GVN ) résumait assez bien l’opinion des opposants à cette résolution que vient cependant de voter le Parlement européen.

 

Publié dans Politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article