TTIP ou TAFTA, Hollande frémit légèrement, mais ...

Publié le par Laute Alain

Libre-échange:

la France veut faire oublier son erreur originelle

21 avril 2016 | Par Ludovic Lamant (extraits)

L’exécutif français, autrefois enthousiaste quant à l'accord entre l’UE et les États-Unis, continue de durcir le ton sur le TAFTA, alors que Obama doit aborder le sujet avec Merkel ce dimanche. La perspective d’un accord d’ici à la fin du mandat d'Obama semble peu probable.

De notre envoyé spécial à Bruxelles.- Le 13e cycle de négociations en vue d’un accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis (TTIP, ou TAFTA pour ses adversaires) s’ouvre à New York lundi, et les discussions semblent toujours aussi difficiles entre les deux parties. La commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, continue de juger qu’il est « possible » de trouver un accord d’ici à la fin de l’année, même si plus grand monde n’y croit.

Dès dimanche, Barack Obama pourrait tenter lors d’un déplacement à Hanovre (Allemagne), aux côtés de la chancelière Angela Merkel, d’impulser une nouvelle dynamique pour arracher un « deal » d’ici au terme de son mandat, en novembre. Dans ce contexte, Matthias Fekl, le secrétaire d’État chargé du dossier à Paris, multiplie les sorties pour prévenir qu’en l’état, la France ne signera pas le texte, qui inquiète nombre de citoyens en Europe, à droite comme à gauche. Décryptage.

  • 1 - Matthias Fekl : La même musique anti-TAFTA depuis bientôt un an

Matthias Fekl n’en est pas à son coup d’essai en la matière. Il avait déjà fait les gros titres au début de la campagne pour les régionales de 2015, d’abord dans Sud Ouest, puis au micro de Jean-Jacques Bourdin, menaçant à l’époque de bloquer les discussions : « La France envisage toutes les options, y compris l’arrêt pur et simple des négociations. » Il avait alors précisé qu’il prendrait sa décision « dans le courant de l’année prochaine ».

Le secrétaire d’État a durci un peu le ton cette semaine, expliquant qu’il croyait « de moins en moins » à la possibilité d’un accord sur le TAFTA. Il prévient, face à la tentation de Berlin d’une accélération dans le dossier : « S’il devait se produire une accélération soudaine, cela voudrait dire que les points durs de la négociation n’auraient pas été traités. Ce serait un accord au rabais, qui ne satisferait pas les demandes des Européens. Qui dit accord rapide, dit accord mauvais pour la France : nous ne signerons pas. » Et pour ceux qui n’auraient pas encore bien compris : « Si ces négociations ont du sens, elles doivent permettre de fixer des normes très élevées. Mais ce n’est pas la tournure que cela prend aujourd'hui. Donc nous en tirerons les conséquences, je l’ai déjà dit. »

Sur le fond, le socialiste critique, encore et toujours, le manque de transparence des négociations. Il estime aussi qu’à ce stade, Washington a fait très peu de concessions dans les dossiers où la France a des avantages « offensifs ». Parmi les sujets clés pour Paris, le degré d’ouverture des marchés publics aux États-Unis pour les investisseurs européens (la « réciprocité commerciale », dans le jargon). « Toutes les ouvertures des Américains dans ce dossier sont anecdotiques. Or, il est raisonnable de penser qu'il n’y aura pas d’avancées des Américains sur ce sujet. Cela minimise de manière très forte l’intérêt de ces négociations », juge Fekl. Autre sujet dur : les Américains semblent rechigner à reconnaître une batterie d’« indications géographiques », censées protéger certaines des productions agricoles en France et ailleurs.

  • 2 - La nouveauté : Hollande et Valls sur la même ligne

Depuis son entrée en fonctions en septembre 2014, Matthias Fekl a décroché quelques succès politiques sur le front du TTIP. Il s’est illustré, en particulier, dans la renégociation du très contesté tribunal intégré au TTIP, censé permettre à des multinationales d’attaquer en justice des États. Sa ligne, fixée avec Berlin, a permis de faire bouger la commission sur le sujet. Mais Fekl avait un talon d’Achille, et pas des moindres : il était difficile de savoir si l’Élysée et Matignon étaient sur la même longueur d’onde. Le secrétaire d’État a longtemps parlé en solitaire.

On se souvient, en particulier, d’une sortie dévastatrice de François Hollande en marge d’une visite aux États-Unis début 2014, expliquant qu’il fallait accélérer les négociations commerciales en cours – soit tout le contraire de la ligne actuelle, à Paris : « Aller vite n'est pas un problème, c'est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. »

On se souvient aussi que le président français s’était contenté du strict minimum, au printemps 2013, lorsque les chefs d’État et de gouvernement des 28 avaient rédigé le mandat fixant le cadre des négociations menées par la commission européenne avec Washington. À l’époque, le débat s’était résumé à une seule exigence : l’exclusion des services audiovisuels de la négociation (obtenue). C’est tout ce que Paris avait trouvé à redire à un mandat qui contenait pourtant, par exemple, le tribunal État-investisseur, qui a paralysé une bonne partie des négociations à partir de l’été 2014.

De ce point de vue, l’intervention du chef de l’État le 14 avril sur France 2 a dû soulager le secrétaire d’État, qui voit sa stratégie confortée. François Hollande a tenté de donner des gages de fermeté à sa gauche sur un sujet, le TTIP, révélateur du malaise d’une partie des citoyens avec la mondialisation : « La France a fixé ses conditions, la France a dit que s’il n’y a pas de réciprocité, s’il n’y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n’a pas accès aux marchés publics et si, en revanche, les États-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l’on fait ici, je ne l’accepterai pas », a-t-il promis.

Alors que la campagne présidentielle approche, et que le FN et le parti de gauche, entre autres, en feront un cheval de bataille, le chef de l’État n’avait sans doute pas beaucoup d’autres choix. Manuel Valls, sur France Info mercredi, a répété la position française, exprimant son « inquiétude » face à la « la tournure que prennent » les négociations.

  • 3 - Où en est-on des négociations ?

Depuis l’été 2013, le TTIP en est à son treizième « round », ces semaines balisées où les négociateurs européens et américains se rencontrent physiquement, soit en Europe (à Bruxelles), soit aux États-Unis (Washington, New York, Miami, etc.). Mais depuis quelques mois, les contacts se sont intensifiés, au-delà des seuls « rounds » officiels. Ce qui ne veut pas dire, pour autant, que les négociations connaissant des avancées décisives, loin de là. .....

 

  • 4 - Des ONG pas convaincues par la « fermeté » de Paris

On aurait pu imaginer que la société civile anti-TAFTA allait se réjouir des dernières sorties de Matthias Fekl. Il n’en est rien. Elles accusent d’abord l’exécutif d’un double discours, assurant que le secrétaire d'État fait entendre, entre les murs des conseils du commerce, des positions nettement moins fermes que ce qu’il raconte aux médias hexagonaux, et ce que le couple Hollande-Valls reprend. Certaines ONG s’inquiètent également des exigences françaises en matière d’ouverture des marchés publics, dans la négociation du TAFTA, qui ne feraient à leurs yeux que renforcer un peu plus la libéralisation des échanges et détruire des emplois...."

"....« Le CETA est quasiment l'exact contraire du TTIP tel qu’il existe aujourd’hui : il garantit l’accès aux marchés publics canadiens, il reconnaît la protection des indications géographiques pour les Européens, il intègre la proposition française et européenne de cour publique qui est une grande avancée progressiste », assure le secrétaire d’État. Pour l’activiste Amélie Canonne, de l’association AITEC, l’analyse est exactement inverse : « Le CETA comporte la plupart des dispositions nuisibles et injustes proposées dans le cadre du TAFTA : libéralisation du commerce agricole et des services de base, arbitrage d'investissement, coopération réglementaire, facilitation du commerce transatlantique de énergies dangereuses, limitation des capacités de réglementation des autorités publiques... », s’inquiète-t-elle.

Après le vote sur la directive « secret des affaires » qui a divisé les eurodéputés en avril, le vote sur le CETA, d’ici à la fin de l’année à Strasbourg, s’annonce tout aussi chahuté au parlement européen. "

(lire l'intégralité sur le site Mediapart).

Publié dans Politique

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