Où est passé la FNSEA de X. Beulin ?

Publié le par Laute Alain

Leur colère a des limites fixées par Beulin

Leur colère a des limites fixées par Beulin

La FNSEA a-t-elle peur de la convergence des luttes en France?

Gérard le Puill Lundi, 16 Mai, 2016 Humanite.fr

Alors que les difficultés continuent et s’aggravent souvent dans de nombreuses filières agricoles et notamment dans l’élevage, le syndicat majoritaire chez les paysans gomme ses revendications et reste l’arme au pied depuis que les syndicats de salariés, d’étudiants et de lycéens sont entrés dans l’action pour s’opposer au projet de loi El Khomri. Deux récentes initiatives de la filière porcine et la filière laitière en témoignent, chacune à sa manière.

Les journées d’action vont se poursuivre cette semaine avec des appels à la grève pour exiger le retrait du texte de loi El Khomri adopté sans vote en première lecture à l’Assemblée national via l’usage de l’article 49-3 de la Constitution par le gouvernement. Paris connaîtra deux manifestations le 17 et le 19 mai et il en sera de même dans de nombreuses villes de province tandis que les salariés des transports routiers entrent aussi en action contre cette loi dès ce soir, inquiets de voir prochainement leurs heures supplémentaires majorées seulement de 10% dans le cadre « d’accords d’entreprises » que permettrait l’adoption de cette loi contre 25 à 50% actuellement. Précisons à ce propos que les chauffeurs des pays d’Europe de l’Ouest ont vu leurs rémunérations et leurs conditions de travail se détériorer gravement depuis que les bas salaires de leurs collègues d’Europe centrale leur font une concurrence redoutable. Une concurrence qui conduit de nombreux patrons transporteurs à délocaliser des entreprises dans ces pays à bas coûts de main d’œuvre.

Les paysans français avaient mené de nombreuses actions revendicatives en début d’année contre la baisse du prix du lait comme des cours de la viande , porcine notamment, à l’appel de la FNSEA , le syndicat majoritaire dans le monde paysan.

Mais alors que les cours du lait, des céréales et de la viande continuent de se dégrader, la FNSEA reste l’arme au pied depuis que les syndicats de salariés multiplient les actions et les manifestations contre la loi El Khomri. Tout se passe comme si la FNSEA voulait éviter une convergence des luttes des salariés et des paysans contre la politique du gouvernement.

Pour comprendre cette réticence devant une possible convergence des luttes, il faut savoir que la FNSEA aime définir ses adhérents comme des chefs d’entreprises. Quand ce syndicat signe des communiqués communs, c’est en général avec le MEDEF, la CGPME et d’autres syndicats patronaux employeurs de main d‘œuvre salariée pour réclamer des allègements de charges, certains paysans étant aussi des employeurs de main d’œuvre salariée.

Cela étant, les difficultés continuent de s’aggraver pour les paysans, notamment les éleveurs de porcs et les producteurs de lait tandis que les producteurs de canards gras peuvent remettre des poussins en place à partir de cette semaine après un vide sanitaire qui a gravement amputé leur revenu pour l’année en cours. En déplacement dans les Landes et le Gers le 13 mai, le ministre de l’Agriculture a rappelé que 20 millions d’euros étaient réservés à ces éleveurs et qu’il y avait « la possibilité pour les entreprises de l’aval de recourir à des reports et remises gracieuses de charges sociales et fiscales, dispositifs peu utilisés jusque-là ». Il évoque aussi la possibilité d’une « mesure d’avance en trésorerie remboursable ». Ces disposions sont aussi une manière de reconnaître que les prochains mois seront difficiles pour toute cette filière, mise à l’arrêt pour tenter d’éradiquer la grippe aviaire.

Le "fonds porcin"

Mais revenons à la FNSEA. Elle a relayé, le 12 mai, un communiqué de sa Fédération nationale porcine (FNP) qui demande « à chacun d’assumer ses responsabilités » à propos du « fonds porcin » que la FNP tente de mettre en place avec le soutien du ministère de l’Agriculture et de la FNSEA. Faute d’espérer une remontée des cours au niveau européen, il a été convenu voilà environ quatre mois avec les enseignes de la distribution qu’il devait être possible de faire un peu de patriotisme économique en imputant au consommateur une hausse de dix centimes sur chaque kilo de viande de porc élevé en France. Il suffirait pour cela que l’opérateur final - l’enseigne de la distribution - reverse aux éleveurs ces 10 centimes par kilo que la loi de l’offre et de la demande, qui fonctionne dans le marchés au cadran aux enchères descendantes, ne leur permet pas d’obtenir.
Les distributeurs ayant dit oui au principe dans le but de s’offrir une virginité à bon compte, la difficulté est venue des « abatteurs/découpeurs » qui sont souvent des coopératives ainsi que des « salaisonniers » qui transforment de la viande fraîche en charcuterie. Eux ne veulent pas adhérer au principe d’une augmentation de la facture de vente aux distributeurs qui pourraient, eux, importer de la viande meilleur marché venue d’ailleurs tout en acceptant d’augmenter le prix de celle produite en France . Pour saisir les raisons de leurs réticences, il faut savoir que « pour ne pas altérer la libre circulation des marchandises dans l’Union européenne, l’assiette de contribution doit exclure les importations», précise le communiqué de la FNP. Cette dernière accuse donc ces maillons de la filière de se livrer à « une valse hésitation» en « se cachant les uns derrière le refus des autres».

En réalité, il faut, pour faire fonctionner un tel accord, trouver une exception française dans un marché de la viande porcine européen libéral. Car seule la viande produite en France serait taxée pour octroyer une ristourne de 10 centimes par kilo aux éleveurs. On avait déjà vu avec le pseudo accord de mai 2015 visant à faire monter de 5 centimes par semaine les cours de porc au marché au cadran de Plérin sur la base du volontariat des acheteurs.

Les cours montèrent pendant deux ou trois semaines. Puis le groupe Bigard et la Coperl arrêtèrent les achats à Plérin. Il se vendit alors moins de cochons, lesquels prirent du poids dans les porcheries tandis les parts de marché prises par la viande importée, d’Allemagne et d’Espagne notamment, augmentèrent sensiblement.

Du coup l’accord que l’on tenta de bricoler avec le concours des pouvoirs publics durant tout l’été 2015, se traduisit finalement par une baisse durable du prix du porc en France au lieu de la hausse attendue. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut se demander pourquoi la FNSEA et la FNP ont voulu faire croire aux éleveurs en difficultés que ce type de bricolage qui a échoué en 2015 pouvait les soulager en 2016.

Le secteur laitier

Dans le secteur laitier, les pris moyens de 2016 seront plus bas que ceux de 2015, lesquels étaient en baisse de 15% sur ceux de 2014. Le 12 mai, Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs le lait (FNPL) de la FNSEA, a publié la longue lettre ouverte qu’il vient d’adresser au Président de la Commission européenne. Il lui dit que « les agriculteurs se sentent délaissés par leur gouvernement et par l’Europe ». Mais il ne formule aucune revendication précise et surtout pas de revendication chiffrée sur ce que devrait être un prix rémunérateur du litre de lait. Il veut juste rencontrer Jean-Claude Juncker pour discuter du sujet.

Le porc et le lait sont les deux secteurs les plus impactés par des cours trop bas. Mais, confrontée à la situation souvent dramatique de ses adhérents, on a l’impression que la FNSEA fait diversion pour ne pas appeler à l’action en ce printemps 2016. Est-ce parce que ce printemps est caractérisé par une multiplication des journées d’actions chez les salariés pour faire reculer la précarité et préserver, voire améliorer leur niveau de vie ?

La FNSEA semble s’opposer à la convergence de ces luttes. Elle ne veut pas voir combien la précarité du travail, les bas salaires et les pensions bloquées réduisent le pouvoir d’achat d’un nombre sans cesse plus grand de consommateurs français et oblige ces derniers à des arbitrages qui réduisent, mois après mois, la part de l’alimentation dans le budget des ménages.

A l’opposé de cette politique de suspicion à l’égard des autres professions, signalons l’initiative que tiendra la Confédération paysanne les 20 et 21 mai à Paris sur la place de Stalingrad près des métros Jaurès et Stalingrad. Devant cette ferme éphémère on pourra acheter des produits locaux et débattre de sujets comme l’agro-écologie, les accords de libre échange, les politiques alimentaires et agricoles. Les différentes activités débuteront le vendredi à 14H et se prolongeront jusqu’au samedi soir. Ce sera donc un lieu de débats et de convergences des luttes.

 

Publié dans Politique

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