1 milliards d'euros pour faire des heureux ... en 2020 !

Publié le par Laute Alain

Un milliard d’euros supplémentaires pour

le salaire des enseignants

31 mai 2016 | Par Faïza Zerouala

La ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem a annoncé, mardi 31 mai, la revalorisation progressive, d’ici à 2020, des salaires de tous les enseignants, afin de rendre plus attractives ces carrières. Ce plan représentera au total un milliard d'euros, dont une moitié sera débloquée en 2017 et l'autre en 2019.

Il est un domaine sur lequel on ne peut pas taxer l’exécutif d’immobilisme, c’est bien en matière d'éducation. Depuis la loi de refondation sur l’école de 2013, pléthore de chantiers ont été ouverts, des mesures annoncées à tout-va, des rythmes scolaires à la réforme du collège en passant par les nouveaux programmes. La communication, elle non plus, n'a pas toujours été discrète. La dernière annonce en date, un mois à peine après la revalorisation de l’indemnité à 1 200 euros annuels des professeurs, concerne la totalité des professeurs. Ils vont recevoir un coup de pouce, en espèces sonnantes et trébuchantes. Au moment où la contestation sociale contre la loi sur le travail gronde sur tous les fronts et après le cadeau de 500 millions d'euros débloqué pour les étudiants, voilà que l'ensemble du personnel éducatif est à son tour cajolé.

Ces mesures interviennent dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) dans la fonction publique, annoncé en septembre 2015. La ministre, Najat Vallaud-Belkacem, explique dans la présentation de son plan avoir voulu se diriger « vers plus d’attractivité et une plus grande reconnaissance de nos personnels enseignants, d’éducation et d’orientation ». La mesure vise, aussi, à rappeler aux personnels qu'ils ne sont pas oubliés dans le paquet des réformes.

Régulièrement, les responsables syndicaux pointent la faiblesse des salaires des 820 000 enseignants français au regard de ceux de leurs homologues de l’OCDE. La France se situe juste en dessous de la moyenne sur le sujet. C’est précisément pour corriger la position française dans le classement que la ministre a voulu œuvrer, comme elle l’a expliqué sur BFM TV : « L'idée, c'est que nous étions à la traîne en France s'agissant du traitement de nos enseignants (...). On était à la traîne par rapport à la moyenne des pays de l'OCDE. »

Pour appuyer ses dires, Najat Vallaud-Belkacem a détaillé des cas concrets : « Par exemple, un enseignant stagiaire, en début de carrière, touchera 1 400 euros brut supplémentaires par rapport à aujourd'hui, par an. En fin de carrière, un directeur d'école qui a passé dix ans en éducation prioritaire gagnera 1 000 euros de plus par mois », a détaillé la ministre. La grille de rémunération des professeurs, à tous les échelons, va monter d’un cran d’ici à 2020.

Ceux situés en milieu de carrière bénéficieront de l’augmentation la plus forte. Une attention particulière est aussi dirigée vers la fin du parcours professionnel, puisque le ministère a décidé de créer un troisième grade appelé « classe exceptionnelle », en plus de la « classe normale » et du « hors classe ». Jusqu’à aujourd’hui, la carrière des personnels enseignants s’organisait sur deux grades : le premier, dans lequel les personnels sont recrutés, appelé « classe normale » et le second dans lequel les personnels peuvent être promus, appelé « hors classe ».

Durant les deux premiers tiers de leur carrière, les personnels enseignants voient leur rémunération progresser plus ou moins rapidement, selon le rythme d’avancement dont ils bénéficient. À partir de septembre 2017, cette nouvelle classe sera destinée en priorité à ceux ayant exercé en éducation prioritaire, toujours dans cette logique d'attractivité, ou à ceux ayant occupé des postes à responsabilités, comme directeur d’école ou CPE par exemple, pendant au moins huit ans.

Christian Chevalier, secrétaire général de l'UNSA, accueille positivement cette mesure, « une vraie nécessité », et salue la clarification générale des grilles de salaire et des points d’ancienneté. Il soutient aussi l’effort particulier tourné vers les réseaux d’éducation prioritaire, un signe d'après lui que le ministère ne favorise plus seulement ceux qui forment l’élite et l’excellence, les professeurs de classes préparatoires ou les agrégés par exemple. « C’est un vrai basculement de gauche », analyse-t-il.

Comme le souligne la ministre, la dernière réforme d’ampleur en matière de rémunération avait été initiée en 1989 par Lionel Jospin. Dans l'intervalle, Vincent Peillon avait créé en 2013 une indemnité de 400 euros par an pour les professeurs des écoles, qui sera alignée à la rentrée 2016 avec la prime correspondante des professeurs du secondaire, fixée à 1 200 euros, comme l'a annoncé Manuel Valls début mai. Dans le cadre de la réforme de l'éducation prioritaire, les primes des enseignants y ont été augmentées de 50 % en REP et de 100 % en REP+. Les enseignants vont aussi bénéficier du dégel du point d'indice des fonctionnaires, avec deux revalorisations de 0,6 %, en juillet 2016 et février 2017.

Les responsables syndicaux accueillent positivement ce geste mais expliquent n’être toutefois pas dupes des arrière-pensées électorales derrière ces mesures, présentées à un moins d’un an de l’élection présidentielle. Dans le premier syndicat du secondaire, le SNES-FSU, Xavier Marand, secrétaire général adjoint, rappelle qu’il « ne faut pas que le gouvernement se berce d’illusions, la réforme du collège imposée par la ministre est encore dans toutes les têtes, sans parler des collègues mobilisés contre la loi sur le travail ».

Si le volet pécuniaire est plutôt consensuel, la question de l'inspection demeure plus épineuse et sensible, puisque l'autre innovation porte sur les modalités de l'avancement dans le déroulement de carrière. Les critères n'ont jamais été très clairs, et les inspections restent aléatoires, rarement annoncées en amont. Le passage d'un échelon à un autre intervient selon le choix, le grand choix ou l'ancienneté. Ces critères disparaissent dans la réforme. Il faut aussi compter avec les notes d'inspection, administrative et pédagogique. Au-delà de l'illisibilité du dispositif, cela a créé des disparités entre les uns et les autres.

Pour résoudre cela, la ministre a décidé de créer quatre temps d'inspection, baptisés « les rendez-vous de carrière », au cours desquels l'avancement peut être envisagé. Ils interviendront à des moments bien définis : sept et treize ans après l’entrée dans le métier, puis lors du passage à la hors classe puis à la classe exceptionnelle pour les concernés. Pour le reste, aucun détail supplémentaire n'a été communiqué, comme le mode d'évaluation ou si cette tâche incombera à l'inspecteur seulement ou au chef d'établissement ou aux deux.

Du côté des syndicats, la méfiance prévaut sur ce volet-ci. Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUIPP-FSU, principal syndicat dans le primaire, reste en alerte : « Sur l'évaluation, rien n'est encore fait ni acté. On verra s'il y a vraiment plus d'accompagnement et de confiance comme c'est annoncé. Il ne faudrait pas que cela se transforme en usine à gaz ou en moyen d'évaluation managériale », analyse-t-il.

Quid du financement ? Selon le document de son ministère, près de 500 millions d'euros seront inscrits à ce titre dès le projet de loi de finances pour 2017 et une nouvelle enveloppe sera débloquée le 1er janvier 2019. Un montant substantiel, alors même que le mot d’ordre est plutôt aux restrictions budgétaires. Les esprits taquins ne manqueront pas de relever que le calendrier prévoit un étalement de la mise en œuvre de la mesure à l’horizon 2020, et qu’il faudrait pour cela que la majorité suivante poursuive ce qui sera « la dernière étape de ces immenses chantiers » du quinquennat comme l’a souligné la ministre elle-même.

Christian Chevalier n'ose imaginer que le successeur de Najat Vallaud-Belkacem abrogera ces mesures. D’autant que, souligne-t-il, Alain Juppé, l’un des candidats à la primaire des Républicains, dénonçait le traitement insuffisant des professeurs des écoles, dans son livre consacré à l’éducation, paru à la rentrée dernière. Sébastien Sihr, quant à lui, promet une « grande vigilance pour éviter que l'accord ne soit détricoté lors de la prochaine mandature ».

Les ajustements et négociations éventuelles seront débattus dès demain, le 1er juin. Les organisations syndicales sont invitées rue de Grenelle pour faire part de leurs observations. Dans la foulée, des groupes de travail seront mis en place pour préciser les contours de cette réforme.

 

Publié dans Politique

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