NDDL, ce n'est pas terminé !

Publié le par Laute Alain

Le repos et la mémoire
Le repos et la mémoire

Le repos et la mémoire

A Notre-Dame-des-Landes: «On ne va pas

rester les bras croisés à attendre Valls»

11 juillet 2016 | Par Jade Lindgaard (extraits Mediapart).

Environ 25 000 personnes se sont rassemblées ce week-end contre le projet d’aéroport. Les opposants commencent à s’organiser contre le risque d’une évacuation forcée de la ZAD. Au discours gouvernemental, ils opposent d’autres visions de la démocratie et de la liberté.

Chaque année depuis seize ans, les opposants au projet d’aéroport de NDDL se rassemblent sur un champ proche de la ZAD pour un week-end de débats et de concerts. Mais cette fois-ci, l’attente était particulière : après le référendum favorable à l’aérogare, combien de personnes continueraient-elles à se mobiliser ? La réponse rassure les organisateurs : environ 25 000 personnes sont passées par le lieu-dit Montjean les 9 et 10 juillet, selon leur estimation, contre 15 000 l’année dernière. C’est une « très forte mobilisation », selon l’Acipa, organisation historique des opposants, « on ne pouvait pas espérer meilleure réponse ». Sylvain Fresneau, un des agriculteurs condamnés à l’expulsion par la justice en début d’année, décrit des volontaires « encore plus nombreux que d’habitude ». Un habitant de la ZAD se réjouit : « Après la consultation, le mouvement se relève. C’est assez extraordinaire, le nombre qu’on est ce week-end. On est toujours aussi nombreux. »

Samedi en début d’après-midi, alors que les militants commencent à fouler l’herbe de la prairie où se dressent sept chapiteaux de débats, on ne compte plus les bénévoles en gilet jaune qui s’affairent sur le parking, sous les bâches des stands du QG d’organisation ou derrière les listes organisant le covoiturage. Une foule en t-shirts multicolores peuple le lieu. Beaucoup arborent l’autocollant ou le badge des opposants à l’aéroport, reconnaissable à son avion barré de rouge sur fond jaune. Des Nantais qui ont fait campagne pour le « non » à la consultation y croisent des membres de comités de soutien venus de Bretagne, du sud-est du pays ou de Paris. Les militants contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, à Bure (Meuse), sont les invités d’honneur du week-end. Assis sur des rangées de chaises en plastique, des milliers de personnes écoutent les conférences sur la démocratie, la désobéissance ou les violences policières pendant que d’autres s’arrêtent aux stands associatifs et militants (La Confédération paysanne, France nature environnement, la CGT, Solidaires, journaux alternatifs…). Des repas sont servis par des restaurateurs commerciaux ou des cuisines autogérées de la ZAD, qui proposent à chacun de laver son assiette et ses couverts dans les bassines de l’« autowash ». Les occupants de la zone à défendre accueillent sous leur tente des militants contre le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin et diffusent tracts, livres, affiches et le journal ZAD News. Une banderole rose et noir flotte à l’entrée de leur espace : « Zone à défendre : résistance & sabotage ». Des enfants sillonnent le champ à bord d’une voiture rouge à pédales. Leurs rires et leurs cris égaient les débats qui s’enchaînent.

Et maintenant que va-t-il se passer ? Dominique Fresneau, coprésident de l’Acipa, appelle à un nouveau week-end de rassemblement contre l’aéroport les 8 et 9 octobre. La date n’est pas choisie au hasard : le gouvernement a plusieurs fois annoncé vouloir évacuer les occupants de la ZAD à l’automne ou en octobre. « Manuel Valls donne un rendez-vous en octobre, on ne va pas rester les bras croisés à l’attendre. » Plusieurs heures de discussions ont été consacrées à l’organisation de la résistance aux évacuations ce week-end. Des militants se demandent s’il vaut mieux prévoir de converger vers la ZAD en cas d’expulsion, ou privilégier des actions décentralisées visant le gouvernement ou Vinci, la multinationale concessionnaire du projet d’aéroport. Blocages des voies de circulation et de transport, soutien logistique extérieur, appel aux cheminots, manifestations communes avec les opposants à la loi travail : chacun y va de sa proposition lors de la réunion intercomités, pleine à craquer, samedi après-midi. En 2012, lors de la première tentative d’évacuation de la ZAD, des milliers de personnes étaient venues soutenir les opposants à l’aéroport. « Cette fois-ci, cela se passera peut-être très différemment, avec des assignations à résidence, des arrestations préventives », met en garde un occupant de la ZAD, du fait de l’état d’urgence et des méthodes répressives contre les militants opposés à la loi El Khomri.

L’association Des ailes pour l’Ouest, favorable au projet d’aéroport, a déjà appelé le gouvernement à vider la zone de ses occupants et à commencer le chantier : « La participation massive à la consultation du 26 juin et le choix très clair, à plus de 55 %, ne laissent aucune alternative à l’État. » Pour eux, « ce vote fait force de loi et s’impose à tous, y compris les zadistes qui doivent partir d’eux-mêmes durant l’été ». L’association annonce vouloir « prendre des initiatives » pour que les habitants du département appellent au départ des occupants de la ZAD et soutiennent les forces de l’ordre.

Dimanche matin, durant deux heures, les principaux collectifs composant le mouvement contre l’aéroport ont défendu leur vision de la démocratie : contre le rouleau compresseur institutionnel, l’incapacité des pouvoirs publics à se remettre en cause, l’expertise officielle biaisée, le mépris des mobilisations citoyennes. Pour une démocratie directe, instruite des savoirs militants et de contre-expertise citoyenne, nourrie de solidarités, de volonté d’alternatives au monde marchand, de confiance dans la créativité contestataire et d’amour de son lieu de vie. Deux habitants de la ZAD ont expliqué leur désaccord avec l'« idéal de démocratie » car « on n’a aucune envie de gouvernement, même pas d’un gouvernement qui serait notre propre gouvernement et qui produirait des décisions qu’il faudrait respecter ». Ils lui préfèrent l’auto-organisation, le refus des oppressions et des dominations : « La critique de la démocratie va de pair avec les enjeux d’émancipation, de réappropriation populaire de la politique et du sens de nos vies. » Les naturalistes en lutte ont décrit leur travail d’« experts par passion pour la nature, pour l’équité et pour la vérité ». À leurs yeux, l’émergence d’une contre-expertise indépendante et sa réalisation autonome sont une expérience « démocratique » riche mais la confrontation de ces nouvelles connaissances avec le système en place « ne permet hélas que d’éclairer par un cas concret toutes les barrières qui garantissent actuellement la neutralisation d’une démocratie réelle ». Leur hommage à Rémi Fraisse, naturaliste tué par les gendarmes lors d’un rassemblement contre le barrage de Sivens en 2014, a été longuement applaudi.

Acipa, paysans, juristes, atelier citoyen, élus contre l’aéroport, Coordination des opposants : chaque porte-parole a affiché sa détermination à poursuivre la lutte. L’émotion était palpable, dans les mélodies jouées à la cornemuse par un militant musicien. Dans les paroles de Sylvie Thébault, agricultrice historique de la ZAD condamnée à l’expulsion : « Nous, agriculteurs, avons cru au bon sens, à l’intelligence des décideurs et avons été ridicules. »

 

Publié dans Politique

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