Cédric Villani un surdoué à la fête de l'Huma

Publié le par Laute Alain

Cédric Villani sera à la Fête de l'Huma 2016

Cédric Villani sera à la Fête de l'Huma 2016

Randonnée avec un mathématicien

 

Fête de l'Humanité

Anna Musso Mercredi, 3 Août, 2016 L'Humanité

De renommée mondiale, Cédric Villani, le mathématicien médaillé Fields se réjouit d’avance de participer à la Fête de l’Humanité… Et nous aussi !


Hier au mont Blanc, aujourd’hui en terrasse d’un café parisien, ce soir à l’étranger. On l’intercepte entre le tour du mont Blanc, « belle randonnée, près de 200 km autour de 2 000 mètres d’altitude, en famille et sans guide ! » et son prochain avion direction l’Allemagne, puis l’Angleterre, l’Inde, la Chine… Infatigable marcheur, Cédric Villani en a gravi des montagnes depuis notre première rencontre, il y a une dizaine d’années, lorsqu’il venait d’être recruté enseignant-chercheur à l’université Claude-Bernard Lyon-I. Médaillé Fields en 2010 (à l’âge de 36 ans !), directeur de l’Institut Poincaré à Paris, lauréat d’une dizaine de distinctions internationales… Villani porte bien son surnom « MarsuVillani », gagné à l’École normale supérieure, en référence au véloce Marsupilami de Franquin !

Mais qu’importe cette avalanche de distinctions, le marathonien des maths a peu changé. Le look, d’abord. Grand et élancé, le visage encadré par la même coupe au carré, il arbore toujours costume trois pièces, montre à gousset, lavallière et araignée en broche (« dont la raison demeurera secrète ! » prévient-il gentiment). Un ornement qu’il a pu imposer sur son nouveau costume brodé de rameaux d’olivier vert et or d’académicien des sciences. Et, « depuis un an, j’ai ajouté une petite barbe ! » sourit-il.

La posture ensuite. Force est de constater que, malgré sa renommée internationale, Villani n’a pas pris la grosse tête. Spontané et humble… une différence frappe tout de même : très timide à l’époque, le jeune quarantenaire a dû se faire violence, il parle désormais volontiers de lui et prend plaisir à transmettre son goût des mathématiques tant fondamentales qu’appliqués. Il se « réjoui(t) d’ailleurs de venir partager (s)a passion avec (n)ous cette année à la Fête de l’Huma » (1).

Sa première interview, il la donne pourtant… à 16 ans ! Au baccalauréat, il obtient la note parfaite de 20 en maths. Et, avec des parents professeurs de littérature classique, le sentier n’était pas balisé au départ ! Né à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) en 1973, il passe son bac à Toulon, intègre une « prépa » au lycée Louis-le-Grand, puis se classe 4e au concours d’entrée de l’École normale supérieure de Paris en 1992. Agrégé de mathématiques en 1994, il soutient sa thèse, Contribution à l’étude mathématique des gaz et des plasmas, en 1998, puis devient professeur à l’École normale supérieure de Lyon. Mais cette casquette ne lui suffit pas, il endosse celle de directeur du prestigieux Institut Henri-Poincaré à Paris, dès 2009. Un an plus tard, tout s’accélère lorsqu’il reçoit la médaille Fields pour ses travaux sur les équations de Boltzmann et Vlasov. La première a bouleversé la notion d’écoulement du temps, la seconde a permis au physicien russe Lev Landau de comprendre qu’un plasma est stable même si le désordre y reste constant. Dans ces deux problèmes classiques, Villani et ses collaborateurs apportent un regard novateur.

D’où lui vient ce goût pour les mathématiques ? « Ça s’est fait comme ça dès le collège, je ne saurais dire pourquoi », répond-il de façon désarçonnante. Peut-être est-ce grâce aux livres traitant de tout, musique, maths, paléontologie… que lui offre son père lorsqu’il rentre les bras chargés du marché aux puces ? Lecteur vorace, passionné de musique, classique ou rock, père de deux enfants, Cédric Villani vit aujourd’hui en région parisienne au milieu de lapins, chats et poules ! Rangé ? Peut-être pas… Avec ses racines « italo-hispano-françaises, corses, grecques et pieds-noirs », celui-ci ne reste jamais dans la même ville plus de dix ans. Et il continue à explorer de nouveaux horizons. Notamment en Afrique : « J’y vais chaque année, c’est là qu’il faudra chercher les jeunes chercheurs capables de relever les défis de demain ! »

Son credo en deux mots : transmission et innovation. La transmission « pour tous », insiste-t-il, y compris en entreprise, en prison, dans les écoles, et pour les personnes handicapées, comme dans le cadre de l’association qu’il préside, Musaïques. « Je suis enseignant avant tout, c’est dans mon ADN… et je suis d’ailleurs le seul médaillé Fields français à n’avoir jamais été chercheur à plein temps ! » Politiquement sans étiquette – « je suis universaliste et fédéraliste européen, comme l’était le grand mathématicien Henri Cartan » – Villani reconnaît : « Dans la Fête de l’Huma, il y a des valeurs qui me parlent : transmission, musique, joie, politique… Et puis, les sciences et le communisme sont historiquement liés en France. »

Après la transmission vient l’innovation, avec le monde de l’entreprise aux sentiers escarpés qu’il a dû gravir pour apprendre à diriger l’institut Poincaré. Fervent partisan du dialogue entre universités et entreprises, il a aussi pris la présidence du conseil scientifique d’Orange. Mais son « Everest », c’est la Maison des mathématiques à Paris, dédiée à la transmission pour tous. Depuis cinq ans qu’il y travaille, il a déniché les financements publics et privés – 14 millions d’euros en tout – et entraîné dans l’aventure quantité de chercheurs. « Je souhaite que les mathématiques participent à une société qui fédère, aux valeurs humanistes, où chacun et chacune trouve sa place », synthétise-t-il.

 

Publié dans Société

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