Frères libérateurs, des immigrés

Publié le par Laute Alain

1944, premiers entrés dans la capitale, Paris libérée par les Espagnoles de la Nueve.

1944, premiers entrés dans la capitale, Paris libérée par les Espagnoles de la Nueve.

"Les "étrangers" de "La Nueve"

Jean Ortiz Vendredi, 26 Août, 2016 - Humanité.


 Réaffirmons nos valeurs, celles des Lumières, du Conseil National de la Résistance, de Rol, de la « Nueve », pour une société ouverte, plurielle, fraternelle, solidaire...

En ces temps de déferlement d’un racisme quasi « officiel », décomplexé,

En ces temps de course à la déshumanisation, où tous les démolisseurs (de vraie droite et de fausse gauche) de la République et de la laïcité s’en réclament alors et d’autant plus qu’ils les massacrent, qu’ils prostituent leur sens premier, dévoient leur contenu progressiste. Ces « intégristes » défenseurs de dernière heure de la laïcité, eux qui ont toujours soutenu le privé, instrumentalisent aujourd’hui la « loi de 1905 », attisent les haines et les divisions, pour pérenniser la domination de leur « modèle libéral »,

En ces temps où de Sarko à Valls on fait sans vergogne le lit du Front national (en reprenant son venin), où on le « banalise » pour s’en servir ensuite comme repoussoir et crier « au feu ! », « tous derrière nous ! », « faisons barrage ! »... après avoir amené cette extrême droite fachotte aux portes du pouvoir, par une politique sécuritaire à outrance, par une exaltation suicidaire d’une « identité » fermée, excluante, par la liquidation de la « question sociale », par l’éclatement définitif des dernières solidarités d’un tissu social déjà moribond...

Victorieuses, les classes dominantes entendent éterniser leur pouvoir absolu, piller tout ce qui peut l’être, imposer des valeurs antinomiques à notre culture, pour couvrir les crimes quotidiens de la misère, du chômage, des inégalités, de la précarité, de la corruption en col blanc, et s’empiffrer sans retenue

En ces temps où l’on engraisse banques et grandes entreprises et l’on condamne des millions d’hommes à la survie, crions NON !! Ce n’est pas notre monde ! Affirmons pleinement, sans mettre la tête dans le sable, nos valeurs communistes, humanistes. Non, ce n’est pas notre monde ! Le glas a déjà sonné depuis longtemps déjà...

En ces temps de stigmatisation calculée, de satanisation de « l’autre », hier le juif, l’homosexuel, le communiste (devenu presque un gros mot), aujourd’hui « l’étranger », le musulman (même si l’on s’en défend) amalgamé au « terrorisme »,

En ces temps de naufrage politique et idéologique, de manipulation d’Etat pour mieux assujettir le peuple,

En ces temps où tout jugement moral est évacué, où droite et extrême droite « tuent par le mensonge », et sont engagées dans une course folle à l’inhumanité, une course à laquelle participe une partie de la « gauche » repentie, ralliée à la vulgate dominante,

En ces temps où le reniement, la trahison, sont appelés « pragmatisme », où la pensée est soumise aux ordres du fric, où de nombreux mots perdent leur sens...

En ce monde qu’ils transforment en jungle fratricide,

Rappelons, crions, répétons, martelons, hurlons, que :

les premiers libérateurs qui entrent (par la Porte d’Orléans jusqu’à l’Hôtel de Ville ), le 24 août 1944, dans Paris insurgé (libéré d’abord par ses habitants) et qui donnent le coup de grâce à l’occupation allemande, sont des « étrangers », les 146 antifascistes espagnols (beaucoup d’anarchistes) de la compagnie « La Nueve », fer de lance de la Deuxième Division Blindée du général Leclerc. « La Nueve » : une unité d’élite commandée par le capitaine Dronne et le libertaire lieutenant Amado Granell. Les half-tracks de « La Nueve » portent le drapeau républicain espagnol et des noms évocateurs de batailles de la « Guerre d’Espagne » : Teruel, Ebro, Belchite, Guadalajara... Au total, plus de 4 000 Espagnols « rouges », « terroristes », prirent part à la résistance dans la région parisienne, au sein de l’OS de la MOI, puis des FTP-MOI, ou des organisations espagnoles, majoritairement le PCE mais aussi de petits groupes autonomes. Combien de héros encore relégués, quasi oubliés ? Les frères José et Conrado Miret, José Baron, Buitrago... Des « étrangers » qui portaient une « patrie d’idéal ». Et l’Espagnol de l’Affiche rouge, du groupe Manouchian, Celestino Alfonso.

Depuis le 14 juillet 1944, les rues parisiennes sont couvertes de barricades. Le Comité Parisien de Libération et les FFI sous le commandement du colonel communiste Rol Tanguy, appellent au soulèvement. Malgré les tentatives de marginaliser les communistes, les FTP, de jouer la carte de la « résistance modérée », d’empêcher que Paris ne se libère par une insurrection populaire, les rues se hérissent de barricades. Le 10 août les cheminots paralysent le trafic et le 18 août la CGT appelle à la grève générale. Le 24 août 1944 les FFI sont maîtres des rues.

Le 25 août, la 2ème DB, que les généraux Américains voulaient empêcher d’entrer dans Paris (tout était prévu pour mettre Paris sous tutelle américaine), nettoie les derniers réduits allemands. Les Espagnols de la « Nueve » sont chargés de l’assaut, acharné, contre l’Hôtel Meurisse, quartier général de l’Etat-major nazi. De Gaulle demande même à « La Nueve » de le « couvrir » jusqu’à Notre Dame et dans sa descente des Champs Elysées, le 26 août à 15h. C’est dire la confiance...

Sur les photos d’époque, les drapeaux républicains espagnols ont cependant mystérieusement déjà disparu des petits blindés... DES ETRANGERS ! Mais il faut pour les classes dominantes « patriotiser » la Résistance, donc la participation des « étrangers », des anarchistes, des communistes, des antifascistes espagnols, italiens, allemands, des juifs persécutés dans leurs pays et réfugiés en France...

A la Libération, en guise sans doute de remerciement, les « Alliés » lâchent une nouvelle fois les « rouges frontpopulistes » et choisissent, par intérêts de classe, Franco érigé en « sentinelle de l’Occident ».

En ces temps fétides d’aujourd’hui où la raison et la mémoire chavirent, démarquons-nous au maximum des boutefeux irresponsables, de la nausée ambiante. Oui « La Nueve » ! Oui le mélange ! Sans angélisme ni rejet primaire. Réaffirmons nos valeurs, celles des Lumières, du Conseil National de la Résistance, de Rol, de la « Nueve », pour une société ouverte, plurielle, fraternelle, solidaire...

La culture naît également du mélange. L’histoire des immigrés, des « étrangers » nos frères, est aussi la nôtre. Pas un pas en arrière... même pas pour prendre de l’élan ! C’est du Che.

 

 

Publié dans Politique

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