L'Orne et le Glyphosate

Publié le par Laute Alain

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Une agriculture sans glyphosate :
quelles solutions pour les paysans ?

L'utilisation du Roundup ne cesse de soulever les débats. Interdiction ou non, la transition agricole doit se faire dans l'intérêt des paysans, consommateurs et l'environnement. Pour cela, il faut une vraie volonté politique. Reportage dans le Perche ornais.

Perche. Claude Bâcle est producteur de céréales et viande bovine à Bretoncelles. Le glyphosate, « on entend tout et n’importe quoi sur le sujet », explique en préambule le membre du comité départemental de la Confédération paysanne.

Les paysans sont désemparés

Autour de lui, cohabitent féverole, blé, colza, orge, tournesol… Le professionnel ne s’en cache pas, du glyphosate, il en utilise à faible dose et en localisé, « pour mes ronds de chardon le tout en interculture ». Mais au-delà de ça, il veut pousser la réflexion plus loin.

« Je suis pour l’interdire. D’ailleurs, dans notre GAEC* de la Duffetière, en culture intégrée (NDLR : en réduisant au maximum les intrants), on ne cesse de diminuer l’utilisation des pesticides. Mais ce que je veux, c’est qu’on nous apporte des solutions et des alternatives ».

A l’heure où « on nous fait croire qu’il faut gagner en compétitivité et produire un maximum, les paysans sont désemparés ». Pour lui, l’expression « il faut nourrir le monde » est « une utopie. L’Europe et déficitaire en surface de production agricole ».

C’est d’ailleurs dans ce sens, selon Claude Bâcle, que le Roundup a été créé : la production XXL. Et il est conscient qu’avec lui, « on supprime des paysans en réduisant la main-d’œuvre ».

« Notre métier n’est pas de polluer »

Ce qu’il veut, c’est « changer les méthodes de travail. Je suis prêt à monter en gamme. Mais interdisons également les importations de cultures OGM résistantes au Roundup ».

Un exemple ? « Le soja. Sur les 5 millions de tonnes importées en France, 4,5 contiennent des OGM. Ce sont nos animaux qui sont nourris avec ces OGM résistantes au Roundup ».

Il dénonce la concurrence déloyale. « Je suis forcément favorable à la transition agricole mais il faut une politique qui va avec. Il faut des solutions qui maintiennent aussi les paysans ». Il l’avoue, « notre métier, ce n’est pas de polluer. Nous voulons nous rapprocher des citoyens et des consommateurs ».

Mais concrètement, la vie sans glyphosate, ça serait quoi ? « Il faut davantage faire de labour ». Et si on pouvait l’interdire, « ce serait une chance puisqu’on changerait de système agricole ». Pour cela, « il faut une volonté politique forte ». Mais le retour en arrière semble difficile aujourd’hui…

Déjà interdit en France depuis le 1er janvier 2017 pour les collectivités, au 1er janvier 2019 pour les particuliers, s’agissant de l’usage agricole, « cela viendra aussi ».

L’avis du Parc du Perche : « la priorité, réduire les intrants »

L’utilisation du glyphosate, substance chimique se trouvant dans les pesticides et désherbants les plus connus, notamment le Roundup, a fait réagir le Parc naturel régional du Perche. Jean-Michel Bouvier, son président, s’explique :

« Dès 1998, la Charte du Parc inscrivait parmi ses priorités la réduction des intrants, glyphosate et autres, dans l’agriculture percheronne. On peut prendre les choses par le petit bout de la lorgnette, c’est-à-dire un produit mis en cause, ou voir les choses plus globalement : c’est ce que le Parc a choisi de faire dans une logique de développement et de structuration de bonnes pratiques agricoles.

Réduire les produits phytosanitaires

Cela signifie à la fois réduction des intrants, mais aussi méthodes culturales favorables à la biodiversité, diversification végétale, identification et préservation d’un réseau des haies et bosquets… Nous avons donc cherché à construire avec les agriculteurs volontaires un partenariat privilégié.
Il porte ses fruits puisque 5 900 hectares agricoles font l’objet de contrats de Mesures Agro-environnementales et climatiques (MAEC). Sur ces surfaces, les agriculteurs s’engagent à diminuer de 50 % l’utilisation de produits phytosanitaires. Mais déjà beaucoup font des efforts bien au-delà, revoient leur assolement, trouvent des alternatives et n’en utilisent plus du tout.
La filière de la baguette du Perche, produit Valeurs Parc du Perche, démontre aussi que d’autres pratiques sont possibles, en l’occurrence le semis de plusieurs variétés de blés mélangées.

Agro-écologie

Cette technique permet de diminuer considérablement les intrants. Enfin, l’agriculture biologique, qui intègre la biodiversité en tant que facteur de production, est encouragée sur le territoire du Parc : l’Espace-test agricole du Perche créé par le Parc a déjà permis l’émergence de cinq lieux-test en production biologique.
L’agro-écologie figure parmi les nouvelles priorités que se donne le Parc pour les années à venir, afin de pousser plus loin cette coopération et accompagner encore plus concrètement les agriculteurs du Perche.
Pas plus tard que cette semaine, le Parc propose une journée de découverte de la régénération naturelle de la haie. Une dizaine de kilomètres de haie seront replantés en début d’année dans la Cdc des Hauts du Perche. L’agroforesterie se développe dans le Perche…

Il y a une vraie prise en compte globale de tous ces enjeux de santé, d’environnement, de paysage par le monde agricole. Le Parc continuera à impulser et accompagner ces évolutions. »

Perche avenir environnement : « C’est nocif pour la santé »

Pour l’association percheronne, « la question ne se pose même plus ». Le glyphosate n’a plus sa place dans l’environnement. « Sa nocivité pour la santé humaine est claire ». Comme le prouve le rapport du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) dépendant de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) Le glyphosate est classé cancérogène probable.

« Les eaux du Perche sont polluées »

Pour les membres de la structure, « il faut arrêter de repousser les échéances. Nous savons pourquoi les négociations du retrait définitif du glyphosate bloquent : les lobbies ».
Selon l’association, « le premier utilisateur du produit, c’est l’agriculture. Nous nous devons d’accompagner les agriculteurs vers une transition agricole, plus respectueuse de l’environnement. La transition dans le Perche, c’est possible ! C’est un pays rural avec des atouts extraordinaires ».
Le pire, pointe du doigt Perche avenir environnement, « c’est que ce sont les agriculteurs, les premières victimes. Les conditions d’utilisation du Roundup préconisent de mettre des gants et un masque. Or, ce n’est pas le cas ».

Et les conséquences sur l’environnement sont « réelles. Il faut savoir que les eaux du Perche sont polluées. Certaines particules du produit se retrouvent dans les airs, au gré du vent… On le respire, on le boit, on le mange… ».

Certaines maladies telles que « Parkinson ou Alzheimer ont un lien prouvé et fort avec l’exposition aux pesticides, entre autres, avec le glyphosate », PAE se base pour cela sur une expertise collective de 2013 de l’INSERM (l’institut national de la santé et de la recherche médicale).

377,2 tonnes dans l’Orne

Autre résultat dévastateur : la couleur des champs. « On l’appelle le fameux agent orange. Une couleur que l’on retrouve sur certaines parcelles de production céréalière ».

Et les statistiques avancées par l’association sont révélatrices. « En 2016, 377,2 tonnes de glyphosate ont été utilisées dans l’Orne. De 2009 à 2016, 6 618 tonnes dans l’Orne contre 5 363 tonnes, la moyenne nationale ».

Ces chiffres que Mediacités a réussi à se procurer proviennent de la BNV-d, la banque nationale des ventes des distributeurs.

Malgré cela, « il y a des petites avancées. A l’image du plan éco-phyto. Mais nous sommes encore loin d’être à la mesure des attentes de la population ».

En cause : le modèle agricole. « Il faut prendre le problème à bras-le-corps et le changer. C’est possible de nourrir la population de façon saine ». Prenant l’exemple de pays étrangers qui « ont eu le courage d’interdire définitivement ces pesticides ».

Une prise de conscience qu’il faut éveiller, « en évitant les incohérences de nos responsables politiques. Comme les agriculteurs ’’bio’’ qui n’ont pas touché leurs aides depuis 2015 ».
Les conséquences du Roundup sont réelles sur l’environnement.

 

Publié dans Ecologie

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