Ratko Mladic condamné à perpétuité 22 ans après Srebrenica

Publié le par Laute Alain

Ratko Mladic condamné à la perpétuité pour génocide et crimes contre l’humanité

Le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie a rendu son jugement contre le général serbo-bosniaque, principal responsable des crimes commis pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine.

Ratko Mladic a été condamné à la prison à vie par les juges du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), mercredi 22 novembre. « Les crimes commis sont à classer parmi les plus haineux de l’humanité, le génocide et les crimes contre l’humanité pour extermination », a déclaré le juge-président, Alphons Orie.

Le général Mladic, qui avait pris la tête de l’armée des Serbes de Bosnie au tout début de la guerre en 1992, a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité pour le siège et le bombardement de Sarajevo, de crimes contre l’humanité pour la politique d’épuration ethnique commis dans les villes et villages de Bosnie, de génocide pour le massacre de Srebrenica, en juillet 1995, et de crimes de guerre pour avoir pris en otage du personnel de l’ONU dans le but d’empêcher toute intervention de l’OTAN. Ratko Mladic va faire appel de ce verdict, a annoncé son fils.

« J’ai vu les survivants une trentaine de fois depuis dix ans, déclarait le procureur, Serge Brammertz, peu après ce verdict. J’espère que, malgré toute la souffrance des familles, malgré le fait que les morts ne reviennent pas, voir condamner le principal responsable des crimes dont ils ont souffert signifie quelque chose. » Comme à chaque étape de ce procès historique, de nombreuses associations étaient présentes à La Haye (Pays-Bas) pour entendre la condamnation.

« La personnification du mal »

Le jugement prononcé contre celui qui est « la personnification du mal », selon Serge Brammertz, n’est pas en soi une surprise.

Le jugement prononcé contre celui qui est « la personnification du mal », selon Serge Brammertz, n’est pas en soi une surprise. Ratko Mladic est l’élément central de la guerre en Bosnie-Herzégovine (1992-1995). Depuis les premiers procès de ce tribunal créé par l’ONU en 1993, son nom hante tous les dossiers ouverts contre des soldats, des officiers, des miliciens et des politiciens serbo-bosniaques. Jusqu’à 2011, l’ombre de Ratko Mladic était dans toutes les pièces à conviction – ordres, témoignages, écoutes téléphoniques. Mais il manquait au banc des accusés.

« En 2008, tout le monde était très pessimiste », se rappelle Serge Brammertz. L’ONU voulait fermer le tribunal, même en l’absence des deux accusés centraux, toujours en cavale à l’époque : Ratko Mladic, désigné comme le « numéro 1 » par les enquêteurs chargés de sa traque, et Radovan Karadzic, le président des Serbes de Bosnie. Le second fut arrêté à l’été 2008. Le général Mladic, lui, a finalement été appréhendé en Serbie en mai 2011, planqué chez un cousin et terriblement affaibli par deux attaques cérébrales.

Ces dernières semaines, ses avocats ont tenté de faire reporter le jugement, affirmant qu’il n’était pas « apte », à 74 ans, à entendre la sentence, qu’elle aggraverait plus encore son état. Mercredi matin, c’est au moment où les juges ont évoqué sa responsabilité dans les crimes, après avoir acté les persécutions, tortures, viols, déportations, meurtres, pilonnages commis par ses forces dans toute la Bosnie, que Ratko Mladic a demandé une pause. Les médecins ont conclu à une forte tension artérielle, ses avocats ont tenté d’en jouer. Debout, Mladic a pointé un doigt vengeur sur les juges : « Mensonge, vous êtes des menteurs », a-t-il crié, avant d’être expulsé par ses trois gardiens à la demande du président.

« J’espère que les gens vont prendre la peine de lire ce jugement », déclare Serge Brammertz. Un jugement de 1 750 pages, dans lequel « nous parlons des meurtres, des exécutions, des viols. J’espère qu’après ça, la glorification des criminels de guerre va s’arrêter », dit-il à l’intention des nationalistes de la Republika Srpska et de Serbie, qui voient encore en Mladic un « héros ».

Plus de 5 000 responsables doivent encore être jugés

Pour le procureur, les héros sont les témoins venus déposer à La Haye, les survivants. « Ils sont beaucoup plus impressionnants que tous ces criminels de guerre », lâche-t-il. L’un des moments les plus marquants du procès reste le témoignage de victimes du massacre de Srebrenica, explique M. Brammertz :

« A Srebrenica, il y a eu très peu de garçons et de jeunes hommes qui ont survécu aux exécutions. Mais nous avons eu des témoins, dont de jeunes garçons, qui ont été fusillés avec leurs frères et leurs pères, qui sont restés cinq à six heures parmi les cadavres avant d’attendre la nuit pour pouvoir s’enfuir. Imaginer quelqu’un qui a 17 ans, qui reste pendant cinq heures dans une sorte de fosse commune, avec les membres de sa famille assassinée, contraint de ne pas bouger pendant des heures, malgré des blessures au ventre, à la jambe, à l’épaule, et l’entendre à l’audience tant d’années après, cela reste extrêmement fort. »
Le 31 décembre, le TPIY, premier tribunal international depuis Nuremberg, fermera ses portes. « La justice doit encore passer », nuance Serge Brammertz. Plus de 5 000 responsables, des exécutants pour la plupart, doivent encore être jugés devant les tribunaux de Bosnie, de Croatie et de Serbie.

 

Publié dans Justice

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