Hommage à croizat par la génération du progrès social

Publié le par Laute Alain

 

La génération Croizat vous salut bien.

Hommage à Ambroise Croizat

Michel Etievent dans L'Humanité Vendredi, 13 Octobre, 1995

«Toute l'oeuvre d'Ambroise Croizat aura été traversée par une seule ambition: libérer l'homme de l'obsession de la misère, le mettre définitivement à l'abri du besoin et de l'insécurité du lendemain.» C'est par ces mots que Patrick Legall, secrétaire de l'USTM, ouvrait l'hommage rendu à Ambroise Croizat, mardi dernier, à Notre-Dame-de-Briançon, en Savoie. En lien avec l'UD CGT locale, les métallos de Paris, de la Loire ou de l'Isère, accompagnés de Liliane Croizat, fille de l'ancien ministre du Travail, avaient tenu à marquer leur attachement à l'homme, dont l'engagement prit racine aux côtés d'un père manoeuvre à l'usine des carbures métalliques et instigateur de la première grande grève savoyarde. «C'était un temps où les hommes trimaient devant les fours douze heures par jour, dans la misère d'un début de siècle, où la maladie et l'accident de travail étaient abandonnés au bon vouloir de la charité et des quêtes de solidarité», précisait encore Patrick Legall. Ambroise puisera là dans ces révoltes de la misère la force de changer la vie. Un héritage social impressionnant auquel vont s'ajouter toutes les conquêtes d'après-guerre: la Sécurité sociale notamment, pièce maîtresse de la reconstruction du pays, monument de dignité et de solidarité imposé par la force du Mouvement populaire à la libération. Hommage hautement symbolique le jour même où des milliers de personnes défilaient dans les rues pour clamer le droit à une autre vie, à une protection sociale digne de celle que le CNR et Croizat avaient inventée.

Si la CGT ne marque pas cet anniversaire, ne rappelle pas ce que la création de la Sécu a apporté aux salariés et retraités, personne ne le fera à notre place. Démystifions l’idée que nos idées et nos propositions sont incompatibles avec la situation économique actuelle. Rappelons que ce qui a été possible en 1945, dans un pays ruiné par la guerre, est encore possible actuellement dans un pays prospère. C’est le débat sur l’orientation des richesses produites.

« Prenons les devants…. Lors de l’hommage national du 70ème anniversaire de la sécu (si jamais il est rendu!!!!!…), attendez-vous encore et ceci malgré l’énorme travail fait pour rétablir l’histoire, à ce qu’ils disent que la Sécu a été fondée par Pierre Laroque. (Ainsi qu’il est  dit souvent…). Ce qui est curieux c’est que lorsque l’on évoque une loi, on lui donne toujours généralement le nom du ministre qui l’a promulguée et non du fonctionnaire qui a participé à sa mise en place: Ainsi dit-on : Loi Macron, Loi Juppé ou Loi Weil par exemple. Et bien non, là on vous dira loi Laroque qui n’était que le fonctionnaire de Croizat (directeur de la sécu). Ben, tiens, on ne va pas donner à une institution enviée dans le monde entier et que socialistes, patrons et droite s’évertuent à casser, le nom d’un ministre communiste 

 Et pourtant c’est lui, lui le bâtisseur de ce beau conquis social de janvier 1946 à juillet 1946 alors qu’il est ministre du travail et de la Sécurité Sociale (de novembre 1945 à mai 1947) , on vous parlera encore d’une création de De Gaulle… oui mais, voilà,  De Gaulle avait déjà démissionné (15 janvier 1946) lorsque Croizat, après avoir conçu les lois de création de la Sécu ( mai, juin 1946) ) , mit en place les 138 caisses avec la CGT et le peuple de France. (Malgré l’opposition violente de la droite, des assurances privées, des médecins, des patrons, des notables mutualistes, de la CFTC.)

De plus De Gaulle sera le premier à la casser en octobre 1967 avec les ordonnances Jeanneney qui suppriment les élections démocratiques des caisses, divisent la Sécu en trois branches et établissent le paritarisme qui donne la gestion aux patrons.

Juste une petite vérité à rétablir: Pierre Laroque n’est que le commis d’écriture qui mit en forme l’ordonnance portant création de la Sécu du 4 octobre 1945. Cette ordonnance est une émanation directe du CNR et de la réflexion et conception collective menée sous la maîtrise d’oeuvre de Croizat dès sa nomination comme président de la Commission du Travail à l’assemblée consultative (juin 1943) du Gouvernement provisoire à Alger. Et ceci en lien très actif avec les services du ministère de la Santé dirigé par François Billoux, autre ministre communiste, jamais évoqué lorsque l’on parle de la sécurité sociale.

Pierre Laroque ne prendra d’ailleurs ses fonctions qu’en septembre 1944. C’est sûr qu’il est difficile d’admettre la réalité de l’Histoire et surtout l’actualité brûlante et la modernité d’un homme comme Ambroise Croizat à l’heure où droite, patronat  et socialistes veulent privatiser ce bien national qu’est notre belle Sécurité Sociale.

Le meilleur hommage que nous pouvons rendre à Ambroise Croizat et pour ce 70eme anniversaire est de nous battre sans cesse partout pour que la Securité Sociale ne soit pas une coquille vide livrée au privé mais qu’elle reste ce que Croizat et le peuple de France qui l’ont bâtie ont voulu qu’elle soit : un vrai lieu de solidarités, un rempart au rejet, à la  souffrance et à l’exclusion. »

 

Michel Etievent, mon attachement à Ambroise Croizat

« Outre la volonté de conter son bilan, précise Michel Etievent, une autre raison m’a poussé vers ce militant. Je ne supportais plus que l’on omette  son nom dans les livres d’histoire. Ambroise Croizat ne figurait dans aucun dictionnaire avant l’été 2011, où à force de lutte nous l’avons fait entrer. Rappelez-vous la commémoration du 50èmeanniversaire de la Sécu en 1995 : son nom ne fut même pas cité !  Et pourtant, c’est lui qui l’a  bâtie ! Avec le peuple de France, fort d’un rapport de force qui s’appuyait sur un parti communiste à 29 % des voix, une CGT à cinq millions d’adhérents, une classe ouvrière grandie par son action dans la résistance, un patronat sali par sa collaboration. Ce travail de recherche m’aura enfin également permis de comprendre combien l’œuvre et le chemin de Croizat sont modernes, actuels...
Sécu : Croizat le grand oublié
Initiative Communiste s’entretient avec Michel Etievent [IC n°149 octobre 2014
Initiative Communiste. : Tu as publié il y a maintenant quinze ans « Ambroise Croizat ou l’invention sociale. » Parmi tous ceux qui ont contribué au progrès social en France, pourquoi as-tu choisi d’écrire un livre sur lui plus particulièrement ?
M.E. : Quelques mots pour évoquer mon attachement à Ambroise Croizat et surtout à l’actualité brûlante de son message.  La première raison tient à ma propre enfance. J’ai été élevé dans la maison même où Ambroise a vu le jour en 1901. J’ai passé toute ma jeunesse dans le quartier ouvrier où la famille Croizat a vécu, près d’une usine de Savoie où le père d’Ambroise, Antoine était manœuvre. Tout cela a  pesé sur mon engagement.
Une œuvre sociale impressionnante
Ambroise, par son combat, avait donné aux gens cette dignité espérée au bord des fours, bâtit la sécurité sociale, généralisé les retraites, inventé les conventions collectives, la médecine du travail… un héritage  qui redonnait à l’homme sa profonde dignité d’humain. Fils d’usine, moi aussi, j’ai bénéficié de toutes les conquêtes d’Ambroise Croizat et du CNR, notamment de la création des Comités d’entreprise.
Enfant, j’ai lu grâce au CE, j’ai étudié grâce au CE (Bourse scolaire), je suis allé en vacances grâce au CE. Ce qui m’a particulièrement intéressé également dans la vie d’Ambroise, c’est le  chemin de l’homme. Il commence dans le sillage d’un père, manœuvre et s’achève au ministère du Travail avec la création des plus beaux acquis du siècle. Ce père fut également l’auteur de la première grande grève pour la protection sociale du siècle. Et c’est son fils qui, 40 ans plus tard, portera cette lutte à l’achèvement en instituant la Sécurité sociale.
Outre la volonté de conter son bilan, une autre raison m’a poussé vers ce militant. Je ne supportais plus que l’on omette  son nom dans les livres d’histoire. Ambroise Croizat ne figurait dans aucun dictionnaire avant l’été 2011, où à force de lutte nous l’avons fait entrer. Rappelez-vous la commémoration du 50èmeanniversaire de la Sécu en 1995 : son nom ne fut même pas cité !  Et pourtant, c’est lui qui l’a  bâtie ! Avec le peuple de France, fort d’un rapport de force qui s’appuyait sur un parti communiste à 29 % des voix, une CGT à cinq millions d’adhérents, une classe ouvrière grandie par son action dans la résistance, un patronat sali par sa collaboration. Ce travail de recherche m’aura enfin également permis de comprendre combien l’œuvre et le chemin de Croizat sont modernes, actuels.
Actualité de Croizat
Actuel parce que ses deux axes de lutte : l’accès pour tous à un repos décent et le droit de se soigner sont toujours d’une brûlante actualité.
Moderne parce qu’il a su mettre l’humain au centre de tous ses choix politiques. Croizat  a su lié développement économique à la hauteur des ambitions d’une nation à un statut social à la hauteur des besoins des hommes.
Moderne parce que Croizat a toujours été proche  de la base. Il construit, invente avec les gens. Son action au ministère est avant tout une action de terrain.
Moderne enfin et en cela identifiable aux luttes d’un syndicalisme moderne, parce qu’il a toujours allié dans son combat, une politique d’ idées transformatrices de la société comme la Sécurité sociale et la prise de mesures visant à satisfaire immédiatement les besoins des gens comme les majorations de salaires où la forte augmentation des prestations  familiales.         
I.C. : Les conquêtes du CNR sont très attaquées depuis quelques années. Que reste-t-il de ce qu’a fait Croizat ? Qu’est-ce qui a disparu depuis la parution de ton livre ?
M.E. : Des plans successifs vont peu à peu dénaturer « l’outil sécurité sociale »  En continuité avec le patronat du 19ème, les directions d’entreprises,  dès 1947, ne cesseront  d’évoquer la lourdeur que font peser  sur l’économie ce qu’elles nomment des  «charges  patronales ».Ces attaques seront sans commune mesure avec celles de 1967 sous De Gaulle qui portent atteinte aux principes fondateurs de la sécurité sociale. Des  ordonnances cassent l’unicité de la sécurité sociale en créant des caisses  contrôlées par l’Etat et dirigés par des directeurs non plus élus  mais nommés par  le pouvoir. Les mêmes ordonnances suppriment les élections et instaurent le paritarisme qui livre l’institution au patronat.
 «  Soixante-dix ans de déstructurations »
A partir des années 1970, poursuivant le minage de l’édifice, la régression sociale s’accélère. Les Plans Barre, Veil, entrainent un processus de déremboursements, de hausse des cotisations, de diminution des dépenses hospitalières. Il s’agit de poursuivre la fiscalisation des recettes, l’abaissement des cotisations des employeurs. Alors qu’en 1983 est instauré le forfait hospitalier, les décrets  Dufoix, suivis immédiatement en 1986 du plan Seguin prolongent la casse.  En 1990, Michel Rocard, en accord avec  la CFDT, instaure la CSG.  Dans le sillage du Plan Juppé de 1995 naît la « Contribution au Remboursement de la Dette Sociale » (CRDS). Elle est accompagnée d’une  baisse des crédits, de suppression d’emplois et de lits d’hôpitaux. Encouragé par les tenants du libéralisme, ce projet de « refondation sociale » se précisera au fil des amputations jusqu’en 2013 : dépassements d’honoraires, attaques permanentes contre la cotisation sociale. S’ajouteront l’instauration des franchises, les déremboursements permanents, l’ANI qui accélère la privatisation. Les conseils d’administration sont dessaisis de leurs prérogatives. On verra se multiplier les exonérations de cotisations patronales estimées en 2007 à 25 milliards d’euros !  Soixante dix ans de déstructurations servent un objectif clair : livrer l’institution au secteur assurantiel, autrement dit « privatiser » l’outil.
I.C. : A ton avis, comment reprendre aujourd’hui le chemin du progrès social en France, dans l’esprit du CNR ?
M. E. : Reprendre le chemin du progrès social c’est, par la résistance, l’action quotidienne et constante à la base, retrouver un rapport de forces qui permette d’instaurer un nouveau CNR sur des bases qui correspondent à l’aspiration des gens. C’est-à-dire la dignité, la mise en « sécurité sociale » (au sens large) de tous comme l’a fait Croizat et le peuple de France en 1945.

 

Publié dans Politique

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