Retraites : Présentes et futures en grand danger !

Publié le par Laute Alain

Je mets en ligne l'article de Médiapart sur nos retraites.
Le système par répartition est la vraie cible du MEDEF et du gouvernement, son allié. Le blocage des retraites depuis trois ans, la baisse de la valeur du point, le taux de chômage, les bas salaires, les temps partiels, le salaire des femmes, tout concours à démontrer que nous coûtons trop cher. La perversité du MEDEF et de ses alliés plus ou moins naturels du monde syndical, pourrait à terme, c'est-à-dire dans pas très longtemps, réduire de façon drastique le montant de toutes les retraites... sauf les retraites chapeaux des donneurs de leçons. Je me suis autorisé à rajouter des sous titres en gras.

-----------------------------------

Point mort sur les retraites complémentaires, malgré l'urgence

09 août 2015 | Par Mathilde Goanec (Médiapart).

Les rapports s'empilent, les propositions aussi, mais les organisations paritaires n'ont toujours pas trouvé de chemin médian pour sauver les caisses de retraites complémentaires. La fin de la négociation est prévue pour le début de l'année 2016.

Urgence !

Les cinq derniers rounds de négociations n'ont rien donné. Les organisations syndicales et patronales, à la manœuvre sur les retraites complémentaires, sont très loin de la signature d’un accord pour sauver les caisses de la faillite. La prochaine rencontre paritaire aura lieu le 16 octobre prochain. La rentrée s’annonce donc chaude pour les négociateurs, d’autant plus qu’une série de rapports et d’études rappellent l’urgence de la situation.

Préserver le système par répartition.

Quel est l’enjeu ? Les caisses de retraites complémentaires pour les salariés du privé – l’Agirc et l’Arrco (la première pour les cadres et la seconde pour les autres) – sont chargées de verser un complément à la pension versée par la Sécurité sociale. L’Agirc compte aujourd’hui pour 57 % dans la retraite d’un cadre ou agent de maîtrise et l’Arrco pour 31 % dans celle d’un simple salarié. Toutes deux vivent des cotisations patronales et salariales et fonctionnent, selon le modèle français, par répartition.

Les vieux ne sont pas les principaux responsables.

Longtemps florissantes, les complémentaires accusent le coup depuis 2009. Les effets conjugués du papy boom, de l’allongement de l’espérance de vie, d’une croissance en berne et d’un taux de chômage historiquement haut ont fait mécaniquement vaciller l’équilibre budgétaire. À tel point que désormais, les deux régimes dépensent en versement aux retraités plus que ce qu’ils ne récoltent en cotisations des actifs. Pour tenir, l’Agirc comme l’Arrco grignotent leurs réserves, sans évidemment que le procédé ne soit pérenne. Les réserves de l’Arrco s'épuiseront en 2023, et celles de l’Agirc en 2018.

Situation mal gérée.

L'inquiétude ne date pas d'hier. En 2013, déjà, les cotisations ont été revues à la hausse, pour les salariés comme pour les employeurs. Par ailleurs, le montant des pensions a été provisoirement désindexé de l’inflation, sans que cela n’empêche le déficit de se creuser. Depuis, chacun y va de sa solution, plus ou moins polémique.

Même méthode que celle utilisée pour la Grèce !

Le Medef, la CGPME et l’UPA se sont particulièrement illustrés en juin dernier, en envoyant aux organisations syndicales cette proposition radicale : fusionner les deux régimes, limiter les pensions de réversion, et surtout pousser le plus grand nombre à partir à la retraite à 67 ans, avec de sérieux abattements dégressifs pour ceux qui s'aviseraient de partir avant. L'idée permettrait d'économiser 3,1 milliards d'euros d'ici à 2020 et 17 milliards d'ici à 2040 et reprend grosso modo les propositions de la Cour des comptes, dans un rapport publié en décembre dernier.

Les patrons doivent payer !

Devant l’ire syndicale, le patronat a fait un pas en arrière, notamment en réduisant la voilure sur les abattements. Mais pas question de répondre favorablement à la demande des organisations syndicales, qui plaident de concert pour une nouvelle augmentation de la cotisation patronale. C’est pourtant « un préalable », pour Force ouvrière, qui rappelle par la voix de son négociateur Philippe Pihet que « les aides publiques aux entreprises vont passer de 110 milliards d’euros en 2013 à 135 milliards en 2017. Les entreprises aussi doivent participer à l’effort sur les retraites complémentaires ».

Propositions inacceptables !

La CFDT juge également que la proposition patronale n’est pas de nature « à permettre le début d’un accord », et notamment le niveau d’abattement proposé (40 à 30 % pour les salariés partant à la retraite à 62 ans, de 30 à 20 % pour les salariés partant à 63 ans et de 18 à 10 % pour les salariés partant à 64 ans). Le ton de la centrale est plutôt ferme : « Pour l’ensemble des organisations syndicales, il est inacceptable qu’un système de décote conduise des salariés à décaler l’âge de leur départ à la retraite, assure le négociateur Jean-Louis Malys dans une publication interne. À la CFDT, nous sommes prêts à faire des efforts et notamment accepter un abattement temporaire pour améliorer la situation financière des régimes, mais cet effort doit rester raisonnable. Les employeurs sont dans une logique inverse. »

Seule, la CGT innove.

La centrale cégétiste, également à la table des négociations paritaire, est la seule à véritablement innover, en mêlant par exemple redressement du régime et égalité hommes-femmes. Sa proposition reprend des éléments d’une étude réalisée pour le régime général, qui avait mis en évidence que la résorption des 27 % de différence moyenne entre les salaires des femmes et ceux des hommes entraînerait une augmentation très importante des ressources et une amélioration du montant des pensions des femmes. La CGT imagine donc une cotisation patronale modulée en fonction des résultats en matière d’égalité salariale, ce qui permettrait de faire rentrer des ressources supplémentaires dans les caisses des complémentaires (soit par une cotisation pénalisante en cas de non-respect de l’égalité, soit par une augmentation de la masse de cotisations salariales). « Le solde entre les cotisations supplémentaires et l’amélioration des pensions serait par exemple de 4 milliards d’euros dès 2017 et 7,4 milliards d’euros dès 2020 », chiffre la CGT, sans convaincre le Medef. Rappelons au passage que l'égalité salariale est une obligation légale depuis 2013, et son non-respect passible de sanctions.

La CFDT s'accorde avec le MEDEF.

Autre pomme de discorde, la fusion des deux caisses. Car des deux, c’est bien l’Agirc qui est la plus à la peine. Cette solution a l’avantage de décaler de cinq ans la fin des réserves et donc de desserrer l’étau, mais ne règle pas la question de fond, celle des recettes. La Cour des comptes a remis cette vieille proposition en piste en décembre dernier. Le Medef est pour, la CFDT n’y est pas opposée. Mais c’est la CFE-CGC – syndicat de l’encadrement ayant contribué à la création de l’Agirc – qui s’oppose très fermement à une dilution des pensions des cadres dans une caisse commune. Quitte à accepter d’augmenter à nouveau les cotisations, et de geler encore un peu les pensions.


 

La position du HCFP.

En juillet, le Haut Conseil aux finances publiques (HCFP), à la demande de Manuel Valls, a ouvert une autre voie. Actuellement, ce sont les groupes de protection sociale (comme Malakoff Médéric, AG2R, ou Novalis) qui sont chargés de la collecte et de la redistribution pour les retraites complémentaires Agirc et Arrco, en plus de leur activité de prévoyance, de complémentaire santé ou d’épargne salariale. Le tout sous la surveillance d'un conseil d'administration paritaire. L’idée du HCFP est de confier le recouvrement des cotisations à l’Urssaf, déjà chargée de la récolte des cotisations sociales et chômage.

La manœuvre permettrait, selon le HCFP, d’apporter de la « valeur ajoutée pour les régimes, y compris en montant de cotisations recouvrées ». Grâce au croisement des fichiers entre régimes général et complémentaire, et au contrôle par l’Urssaf des assiettes de salaire déclarées par les employeurs, on évite la fraude et on fait des gains. Cette volonté, légitime, de simplification, est vue aussi comme une manière pour l’État de reprendre la main sur le paritaire. « C’est une stratégie d’encerclement », a critiqué dans les Échos le syndicaliste FO Philippe Pihet, qui craint à terme que la manière de prélever des régimes complémentaires ne soit inclue dans le financement de la Sécurité sociale (comme pour le régime général).

La DREES veut encore "frapper" les femmes !

Qui doit prélever, qui doit payer, pour quelle retraite ? La direction de la recherche du ministère des affaires sociales (Drees) a mis un pavé dans la mare cet été, en publiant un rapport sur le montant des pensions en regard du dernier salaire. Il ne cesse de diminuer, notamment pour les femmes, qui perdent bien plus que les hommes en pouvoir d’achat. À titre d’exemple, et malgré les fortes disparités entre les carrières et les parcours, les retraités des années 2000 ont touché environ 75 % de leur dernier salaire. Ceux nés dix ans plus tôt, 80 %.

Nombre de raisons expliquent la baisse de rendement du « point » de retraite, comme l’augmentation des salaires ou l’allongement de la durée des cotisations depuis 1993. Sans oublier la bombe à retardement du temps partiel, ce dernier représentant actuellement 18 % du total de l’emploi salarié (voir la seconde étude de la Drees dévoilée en juillet ici). Mais le phénomène est aussi à relier à la baisse du taux de rendement du point des régimes complémentaires. Ainsi, le taux de remplacement médian par les différentes caisses a baissé de 10 % entre deux générations.

À moins de trouver la martingale idéale, les choses ne devraient pas s’arranger pour les 29 millions d’actifs français, futurs retraités.

 

Publié dans Politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article