Hospitalité des Etats arabes ?

Publié le par Laute Alain

Réfugiés : Indifférence choquante des Etats arabes

Voici un article qui tente d'apporter un éclairage sur ce qui me surprend beaucoup de la part des Etats arabes mais aussi de certains amis arabes qui vivent en France. Je cherche à comprendre depuis longtemps pourquoi ils observent une telle distance, restent aussi silencieux sur les évênements qui frappent durement des peuples entiers. Hommes, femmes, enfants et vieillards, tous et toutes frappés par la malédiction des guerres. Je me rappelle les difficultés à se faire s'exprimer nos amis arabes et musulmans sur les attentats de Janvier 2015 et déjà bien avant pour soutenir des peuples en lutte, comme les palestiniens.

Abdelkader Latrechek, donne une lecture objective sur ces constats, il ne justifie pas mais analyse les comportements que chacun de nous constate sans s'en expliquer les raisons. Cela évite de sombrer dans la caricature que je ne développerai pas bien entendu et qui conduit les plus bêtes à tenir des propos racistes.

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Les réfugiés syriens et l'oubli de l'hospitalité arabe

"Au moment où les pays d'accueil et de transit des réfugiés syriens cherchent à trouver une solution commune, les Etats arabes semblent se désintéresser complètement de ce drame. Le Dr Abdelkader Latrechek, démographe spécialiste des migrations internationales dans les pays arabes, décrypte l'évolution de la position des Etats arabes face à ce nouveau flux migratoire.

L’émergence de grandes vagues de réfugiés dans les pays arabes ne date pas d’aujourd’hui. Le premier mouvement de réfugiés fut l’exode palestinien. Cet exode qui donna lieu à de vastes vagues de migration de Palestiniens fut légèrement atténué par l’accueil de ces réfugiés dans différents pays arabes. C’est pourquoi on ne peut pas parler de grande crise du refuge. Les prémices de la première crise du refuge dans le monde arabe apparaissent avec l’exode massif des réfugiés irakiens au lendemain de la première guerre (américaine) contre l’Irak. Crise qui va apparaître avec les départs de milliers de réfugiés irakiens vers différents pays européens dans le cadre de programmes d’accueil à destination des pays nordiques. Il faut signaler qu’à cette date la Syrie, la Jordanie, et à un degré moindre le Liban, avaient accueilli des centaines de milliers de réfugiés irakiens. Cette situation va restreindre les champs de mobilités des réfugiés arabes au sein du monde arabe, en la limitant à quelques pays comme la Syrie, la Jordanie et le Liban. Cet espace va connaître une nouvelle transformation en 2006, après l’agression israélienne contre le Liban qui de pays d’accueil des réfugiés va produire des réfugiés à son tour, réduisant une nouvelle fois le champs de mobilité des réfugiés entre les pays arabes. Et ce fut au tour de la Syrie d’accueillir des milliers les réfugiés libanais, à l’instar d’autres pays du Golfe. Ceci montre les perpétuelles transformations du champ de mobilités des réfugiés à l’intérieur des pays arabes suite aux différentes guerres.

Mais c’est inévitablement la crise actuelle, ou la deuxième crise des réfugiés dans les pays arabes, qui suscite le plus d’interrogations et d’incompréhension.

L’accueil des réfugiés dans les pays arabes a toujours obéi à des considérations politiques. Ainsi, au temps où le discours sur l’Unité arabe était dominant, l’accueil des réfugiés palestiniens se posait comme une manifestation naturelle voire une obligation de la solidarité arabe, sans que cela passe par l’adoption de la convention de 1951 sur les réfugiés et sans que cela confère aux réfugiés palestiniens dans la totalité des pays arabes le statut de réel de réfugiés; car ils étaient considérés chez eux, mêmes s’ils ont été invités à quitter leurs pays d’accueil dans beaucoup de cas. Mais depuis, les rapports entre les pays arabes se sont dégradés, des divisions sont apparues et le discours sur l’unité arabe n’est plus à l’ordre du jour. Il est même devenu obsolète et la concertation interarabe une simple fantaisie. Cette ère nouvelle dans les relations intra Etats arabes va avoir des incidences directes sur la nature des relations entre les pays arabes, y compris dans le volet migratoire. C’est au milieu des années 90 que l’on assiste à une forte réduction des mobilités intra pays arabes. Ce nouvel ordre dans les relations politiques entre les pays arabes va affecter directement un des domaines d’échanges entre les pays arabes, à savoir la réduction des mobilités et circulations migratoires entre ces pays tout particulièrement les flux des migrants arabes vers les pays du Golfe.

Les circulations migratoires ou les mobilités entre les pays arabes ne sont régies par aucune approche régionale ou globale mais par des conventions bilatérales exposées à tout changement. S’ajoute à cela l’absence d’une instance régionale chargée des questions de mobilité et des migrations internationales entre les pays arabes. En revanche, les pays arabes participent à des forum de dialogue sur les questions migratoires avec d’autres pays voisins, tel que le dialogue 5+5 entre les pays du Maghreb et les pays de la rive Sud de la méditerranée ainsi que le processus d’Abou Dhabi entre les pays du Golfe et les pays asiatiques dont sont originaires les travailleurs migrants dans les pays du GCC (Conseil de Coopération du Golfe).

En effet, l’absence de cadre régional concerté concernant les mobilités et les migrations entre les pays arabes rend non seulement difficile la gestion des questions migratoires entre les pays de la région et les questions qui leur sont liées y compris la question des réfugiés, mais aussi la gestion de toute forme de crise comme celle des réfugiés syriens. L’unique modalité de gestion de ces crises demeure le durcissement des conditions d’entrée et l’octroi de visa : depuis le début de la crise en Syrie, on a assisté à une généralisation progressive de l’instauration des visas à l’encontre des syriens dans tous les pays arabes et à un arrêt de délivrance de toutes formes de visa au syriens. S’ajoutent à cela les directives données à certaines compagnies aériennes dans les aéroports où embarquent les syriens à garantir leur départ afin d’éviter toute demande de refuge potentiel. Ainsi, objectivement l’espace arabe est fermé aux syriens. C’est pourquoi la recherche d’autres lieux de refuge s’est imposée comme unique choix devant ces milliers de refugiés qui fuient la Syrie suite à l’intensification des violences.

L’absence de position officielle dans les pays arabes persiste également au moment où l’on voit se manifester différentes formes de solidarité à travers le monde, aussi bien dans le sport que dans les médias. Même la société civile arabe avec toutes ces composantes reste indifférente, à l’exception de quelques initiatives timides ici et là. Faut-il comprendre le silence des instances arabes régionales et nationales l’expression d'une non ingérence dans le conflit syrien ? Ce qui est certain et en dehors de toute interprétation politique de la cécité des états arabes à l'égard du drame des réfugiés, c'est la responsabilité morale des institutions nationales et régionales qui se trouvent fondamentalement affectée. Une situation qui ne fera qu'élargir les distances entre les gouvernants et les gouvernés dans les pays arabes."

 

Publié dans Politique

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