V W, un crime presque parfait

Publié le par Laute Alain

Arnaque automobile : le crime était presque parfait

29 octobre 2015 | Par Yannick Jadot

" Les révélations de fraudes et de tromperies se succèdent autour du scandale Volkswagen. Elles démontrent la collusion entre les constructeurs automobiles et les autorités publiques nationales et européennes. Pourtant, malgré les 100 000 morts prématurées qui seraient liées au diesel chaque année en Europe (16000 en France), les gouvernements français, allemand et britannique ont décidé ce 28 octobre de donner un blanc seing aux groupes automobiles pour dépasser de 110% les normes anti-pollution. Plus de deux fois la norme officielle adoptée en 2007, près de cinq fois la norme américaine ! Loin de la croisade médiatiquement orchestrée en France contre la pollution de l’air, Madame Royal et ses collègues ont décidé à Bruxelles de saboter une loi européenne de protection de la santé et de l’environnement en soutenant les mensonges et les falsifications d’une industrie accro au diesel.

Petit rappel des faits

Le 18 septembre dernier, l’Autorité américaine de l’environnement attaquait Volkswagen pour avoir dépassé jusqu’à 40 fois les limites autorisées en matière de pollution grâce à des logiciels frauduleux intégrés aux voitures. En quelques jours, le VolkswagenGate est devenu l’un des plus grands scandales industriels des dernières décennies. En Europe, seulement une voiture diesel sur 10 respecterait les limites de la réglementation européenne Euro 5/6, les autres les dépasseraient jusqu’à 20 fois ! Alors que Volkswagen a reconnu sa faute, sans d’ailleurs qu’ait été détecté le logiciel en question, il est probable que d’autres constructeurs automobiles européens aient usé des mêmes pratiques illégales. Mais l’arnaque dépasse les seuls oxydes d’azote. En matière d’émissions de CO2, et donc de consommation de carburant, le fossé entre les engagements affichés par les constructeurs automobiles et les résultats constatés en situation réelle de conduite atteint 40% et ne cesse de grandir.

Un désastre sanitaire et environnemental

Ce scandale est d’abord sanitaire et environnemental. Ce sont pour chacune et chacun d’entre nous des mois de vie perdues. Le coût climatique est lui aussi désastreux. L’automobile est le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Il représente 15% des émissions de CO2 de l’Union européenne. Avec un différentiel de 40%, on peut considérer que les véhicules neufs n’émettent pas 130g CO2/Km en moyenne, comme promis, mais 180 grammes. Ce sont des millions de tonnes de CO2 qui sont émises à notre insu. Ce qui n’empêche pas Renault, dont le PDG préside actuellement la très puissante et très conservatrice Association européenne des constructeurs automobiles, de bénéficier de la part du gouvernement d’un certificat de virginité climatique en sponsorisant la COP21.

Une escroquerie en bande organisée

Les automobilistes sont évidemment touchés. Les voitures neuves ne consommeraient pas de 5,2 litres/100 km en moyenne mais plus de 7. La différence se chiffre autour de 400 euros de budget carburant par an. A cela s’ajoute la fraude fiscale puisqu’une partie de la fiscalité automobile est construite sur les normes anti-pollution (bonus-malus, soutien à la mise en œuvre anticipée d’Euro 6…).

La faillite et la collusion des autorités publiques de contrôle

Si le scandale est si énorme, c’est qu’il repose sur la faillite et la collusion des autorités publiques d’homologation et de contrôle. Informées depuis 18 mois des fraudes de Volkswagen, ni les autorités allemandes ni la Commission européenne n’ont réagi. Pire, avec les gouvernements français et britannique, ils viennent de décider de couvrir la fraude et le mensonge. Alors que les constructeurs européens devraient pleinement respecter la norme de 80mg d’oxydes d’azote par km en 2017 (les Etats-Unis sont déjà à 45 g), c’est ce que le réclame la très grande majorité du parlement européen, nos gouvernements les autorisent à la dépasser de 110% de 2017 à 2019, puis de 50% sans date. Comme si on autorisait les voitures à rouler à plus de 100 km/h en ville quand la limite est de 50.

Citoyens, consommateurs, salariés : tous victimes !

Malgré le développement souhaitable des transports collectifs et la nécessité pour notre santé et l’environnement de s’orienter vers une mobilité durable, l’automobile reste pour nombre d’entre nous une absolue nécessité. Elle est aussi un vecteur d’autonomie et de liberté. Mais la voiture n’a jamais été celle du « peuple », mais celle d’industriels peu scrupuleux de l’intérêt général, usant du chantage à l’emploi et leur collusion avec les Etats pour tromper les citoyens et les consommateurs, préférant investir sur des logiciels frauduleux que sur des innovations anti-pollution. Il n'existe pas de barrière technologique pour se conformer aux limites européennes, puisque certains constructeurs automobiles se sont déjà conformés aux normes en vigueur, sans parler des normes américaines encore plus contraignantes !

Le secteur automobile est en crise : plans sociaux, fermetures de sites, délocalisations, stagnation ou baisse des ventes. Ces dernières années, il a bénéficié en Europe de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’aides publiques. Volkswagen lui-même a bénéficié de plus de 4 milliards d’euros de prêts bonifiés de la Banque européenne d’investissement sur les 10 dernières années, dont la plupart pour réduire les émissions polluantes ! Ce qui ne l’a d’ailleurs pas empêché de financer des chercheurs chargés de minorer les dangers du diesel pour la santé. Quel est donc ce pacte automobile mensonger dont le résultat est pollution mortelle, délocalisation et chômage, arnaque des automobilistes ?

En finir avec les conflits d’intérêt

Au Parlement européen, les écologistes ont proposé la mise en place d’une commission d’enquête afin que toute la lumière soit faite sur ce scandale et qu’on puisse établir la chaîne des responsabilités chez Volkswagen -et potentiellement les autres constructeurs automobiles-, au sein des autorités nationales d’homologation et de contrôle et au sein de la Commission européenne. La coalition des conservateurs et des sociaux-démocrates s’y est pour le moment opposée. Nous n’abandonnons pas. Nous demandons également, à l’image de l’Agence de protection de l’environnement américaine, la création d’une autorité européenne garantissant le bon fonctionnement des dispositifs nationaux, en mettant fin aux océans de conflits d’intérêt qui s’y exercent impunément. De-même, il est évident que les industriels devraient être contraints de reverser toutes les aides publiques indûment perçues. Enfin, le VolkswagenGate est avant tout un dieselgate. Nous demandons un plan de sortie en 10 ans du diesel.

L’indispensable mobilisation citoyenne pour la COP21

A quelques jours du Sommet mondial sur le climat, c’est toute la légitimité des législations de protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs que les gouvernements européens viennent de miner. Quelle sera la crédibilité du moindre engagement pour le climat si les lobbies organisent avec la complicité des Etats leur contournement outrancier ? Nos dirigeants doivent cesser de couvrir les mensonges des groupes automobiles et ainsi contribuer à l’état de légitime défiance des citoyens vis-à-vis des responsables politiques. Il existe une solution toute simple : privilégier l’intérêt général. Plus que jamais, la mobilisation citoyenne pour la COP21 doit rappeler les gouvernements à leurs responsabilités. "

Yannick Jadot, Député européen EELV

Coordinateur de la campagne des Verts européens sur la COP21

 

Publié dans Politique

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