...et Liz Clegg arrive...

Publié le par Laute Alain

Clegg«Liz», cette Anglaise qui porte secours aux enfants isolés à Calais

5 mars 2016 | Par Haydée Sabéran (extraits).

Dans la « jungle », tout le monde connaît Liz Clegg. Arrivée ici à l'été 2015, elle prend soin nuit et jour d'une quinzaine d'enfants afghans seuls, perturbés par l'exil, le voyage et la vie dans cet immense bidonville aujourd'hui en partie démantelé. À Calais, parmi les bénévoles qui s'occupent des migrants, 80 % sont britanniques.

Ils s'accrochent à son bras, lui attrapent le cou. « Liz, Liz ! » Alors qu'elle est occupée à parler, ils la poussent, une fois, cinq fois, six fois. Comme s'il fallait qu'elle s'intéresse à eux, et rien qu'à eux. Elle continue sa conversation, indifférente au chaos d'enfants qui l'entoure. Parfois surjoue la mère de famille exaspérée, lâche quelques gros mots – « Don't be fucking crazy ! » – mais on ne la voit jamais se fâcher vraiment. Liz Clegg, ancienne pompière de 50 ans sous une crinière à la Janis Joplin, qu'on verrait bien dans un film de Ken Loach avec sa voix rauque, ses mitaines et ses cigarettes roulées, s'occupe d'une quinzaine d'enfants afghans seuls, âgés pour la plupart de 10 à 12 ans, perturbés par l'exil, le voyage et la vie dans la « jungle » de Calais.

Elle vit dans le bidonville sept jours sur sept depuis cet été. Trois de ces enfants dorment à ses côtés, dans sa cabane de bois et de bâches où le froid empêche certaines nuits de sommeiller. Le soir, ils partent vers les camions pour tenter de gagner l'Angleterre en passagers clandestins, et disparaissent parfois plusieurs jours, comme Jamil, qui marche 30 kilomètres jusqu'à Dunkerque pour trouver le bon parking. Ils grimpent dans les camions frigos, censés mieux les protéger des contrôles de sécurité au port. Quand ils reviennent en pleine nuit, dégoulinants de pluie, ils tambourinent à sa porte, et elle négocie en vain pour qu'ils mettent des vêtements secs avant de se coucher. Ils sont quelque 400 enfants non accompagnés dans la jungle de Calais. Dont une partie a de la famille proche au Royaume-Uni, et aurait donc droit au passage légal et sans risque. Environ 80 à 100 ont moins de 8 ans selon Liz Clegg, la plupart accompagnés. Un Syrien de 9 ans a vu sa mère tuée sur l'autoroute, percutée par une voiture.

Le soir est un grand moment : elle les nourrit. D'abord, elle menace. « Problem bambino, Nassir ouza ! », dit-elle dans un mélange d'anglais, d'italien et de pashto que tout le monde comprend, qu'on pourrait traduire par : « S'il y a des problèmes avec les enfants, Nassir vous mettra dehors ! » Nassir est un des restaurateurs de la jungle, 15 heures par jour derrière ses fourneaux, dans une gargotte avec bancs, tables, toiles cirées, tissu mural et, indispensables pour recharger les portables, prises reliées à un groupe électrogène

Liz choisit chaque soir une autre cantine afghane de la jungle, pour éviter de tirer sur la corde. Ces enfants agités, parfois voleurs, menteurs, impolis, fatiguent tout le monde. Liz Clegg est la seule à ne pas les lâcher. « How many chicken rice ? Spinach ? Beans ? » Elle se tourne vers l'homme derrière le bar et fait le compte avec lui, promet de payer bientôt. Liz nourrit les enfants avec des dons tirés du crowdfunding. Elle fait partie des bénévoles britanniques qui donnent de leur temps sur le bidonville, arrivés d'abord l'été dernier, quand les assauts au tunnel sous la Manche – et les morts – se multipliaient, puis ont continué à affluer après la photo d'Aylan, l'enfant syrien trouvé mort le 2 septembre dernier sur la plage turque de Bodrum. Aujourd'hui, à Calais, 80 % des bénévoles sont britanniques.

Liz n'a aucune idée de ce qu'elle dépense chaque jour pour les enfants. « Je n'en sais foutre rien, je n'ai pas le temps de m'en occuper. Quand j'ai de l'argent dans ma poche, je le dépense. Quand je n'en ai plus, j'arrête. Je ne suis pas une association, et je ne suis pas comptable. » Quand l'argent manque, elle plaisante avec les mômes. « We have a peisa problem » (peisa veut dire « argent » en pashto).

Fin du repas. Un gamin s'approche et lui serre la main. « Thank you so much, Liz. » C'est une de ses victoires. Les « merci » et les « s'il vous plaît », ne plus se ruer pour attaquer l'assiette du voisin. Et nettoyer la table à la fin du repas : c'est le code secret pour obtenir le milk tchaï, le thé au lait sucré à la fin du repas. « Avec certains mineurs vulnérables, elle a une présence d'une qualité étonnante », souligne Vincent De Coninck, du Secours catholique. « Elle est la seule à savoir canaliser, apprivoiser, connaître ces gamins. Elle crée du lien peu à peu, a conscience de ce qui se joue dans leur tête. C'est quelqu'un avec qui les autorités auraient intérêt à travailler. Les gens de l'Aide sociale à l'enfance auraient beaucoup à apprendre d'elle. » Elle pourrait les emmener se nourrir à l'Ashram kitchen, où des bénévoles cuisinent et offrent à manger toute la journée, ça coûterait moins cher. « Il ne s'agit pas de nourriture », répond-elle. « Mais de socialisation. La communauté afghane me voit lutter. Je veux qu'elle sache qu'il y a des enfants seuls en son sein. Je pense qu'il est bon aussi qu'ils soient entourés d'hommes afghans. Quand on est autour de la table, qu'on mange des plats afghans, il y a quelque chose de la réunion de famille. »..."

(Lire l'intégralité sur le site Mediapart).

Publié dans Politique

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