Obligations vertes : quésaco ?

Publié le par Laute Alain

L'obligation verte, ça sent le pognon avant toute autre considération... même écologique.L'obligation verte, ça sent le pognon avant toute autre considération... même écologique.L'obligation verte, ça sent le pognon avant toute autre considération... même écologique.

L'obligation verte, ça sent le pognon avant toute autre considération... même écologique.

Les « Obligations vertes »
ne sont pas si vertes que cela !

« La France va devenir le premier pays à émettre des obligations vertes » ont titré de nombreux médias suite au discours de François Hollande en ouverture de la Conférence environnementale. Sans forcément préciser de quoi il s'agit ou quels sont les enjeux. Comme si le monde de la finance était naturellement légitime et en capacité de s'occuper du climat et de la transition écologique.

En ouverture de la conférence environnementale, lundi 25 avril, François Hollande a déclaré que la France allait « développer le marché des green bonds, des obligations vertes », et que l'Etat demanderait « aux banques publiques, la Caisse des Dépôts, l’AFD, mais aussi la Banque Publique d’Investissement (BPI), de lancer des obligations vertes, dédiées à des projets d’investissements environnementaux ».

Les collectivités sont invitées à « faire de même ». Pascal Canfin, directeur général de WWF France s'est réjoui dans les médias en disant que « Paris pourrait devenir leader de la finance verte » et les médias – notamment l'AFP – ont emballé le tout avec ce titre, « la France premier pays à émettre des "obligations vertes" ».

La France n'est PAS « le premier pays à émettre des obligations vertes

Débarrassons-nous d'abord de l'anecdotique. Quelle que soit la façon dont on regarde le secteur des obligations vertes, non, la France n'est définitivement pas le premier pays à en émettre. Par exemple, la Banque agricole de Chine, qui est une banque détenue par l'Etat chinois1 et qui joue un rôle d'investisseur public dans l'économie chinoise (tout comme la Caisse des dépôts ou la BPI), a émis sa première obligation verte, cotée sur le London Stock Exchange, en octobre 2015. La Nouvelle banque de développement, basée à Shangai et adossée aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ainsi que la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, adossée à l'Etat chinois, se sont également engagées à venir rapidement sur le marché des obligations vertes.

Si l'on regarde maintenant l'ensemble des acteurs financiers d'un pays, c'est également la Chine qui est en tête au premier trimestre 2016, selon un rapport de l'agence Moody's publié récemment. Les institutions chinoises ont émis 7,9 milliards de dollars d'obligations vertes au premier trimestre, soit près de la moitié du total mondial (16,9 milliards). En deuxième place, on retrouve les Etats-Unis avec 3,4 milliards de dollars d'obligations vertes, soit 20 % du volume total mondial. La France arrive beaucoup plus loin.

(si on élargit aux « climate bond », qui sont une forme d'obligations vertes, l'AFD elle-même a levé un milliard d'euros en 2014)

Qu'est-ce qu'une obligation verte et que représente le marché ?

Une obligation verte est une obligation classique : un acteur de marché emprunte auprès d'investisseurs contre le paiement d'un intérêt jusqu'à la date prévue pour le remboursement intégral de la somme empruntée. Seule différence, cette obligation est dite verte, ou climat (les « climate bonds »), car elle est supposée orienter les investissements privés vers des projets compatibles avec la protection de l'environnement ou du climat. C'est un (petit) marché en plein essor. Alors qu'il ne représentait qu'à peine 4,5 milliards de dollars en 2012, le marché obligataire « vert » aurait atteint 42,4 milliards de dollars en 2015 et pourrait accrocher les 70 milliards en 2016, selon Moody's. Ce qui reste néanmoins une goutte d'eau au regard du volume du marché obligataire international évalué à près de 100 000 milliards de dollars.

Une obligation verte est-elle vraiment verte ?

(le reste de l'article est très largement extraite du livre Sortons de l'âge des Fossiles, manifeste pour la transition, Seuil, Octobre 2015) ..."


 "...Faut-il confier la transition écologique aux marchés financiers ?

À peine lancé, le marché des obligations vertes est donc déjà sous le feu des critiques. Il n'apporte aucune garantie aux projets qui sont supposés être financés. Les obligations vertes sont un véhicule idéal pour que les multinationales sales mènent de vastes opérations d'écoblanchiment – comme le montre le cas d'Engie – tout en refusant de faire basculer une part significative de leurs activités et de leurs financements vers une économie post-fossile.

Plus important encore. La finance verte ne s'arrête pas aux obligations puisque la titrisation de prêts verts, à travers les ABS (Asset Back Securities)5 bas carbone, est soutenue par les institutions6. Il s'agit également de financer les innovations « vertes » par des fonds de capital-risque issus de l'ingénierie financière traditionnelle, ce qui revient à vouloir confier le développement de solutions innovantes à des vautours de la finance qui réclament des taux de rentabilité financière totalement insoutenables.

La crise financière débutée en 2007-2008 aurait dû délégitimer les capacités de la finance à s'occuper de climat et de transition écologique. C'est tout l'inverse qui se produit et se renforce. Comme l'a montré la longue histoire des crises financières – il y a des krachs financiers tous les quatre ans en moyenne – l'innovation financière est sans limites. Y compris en matière de climat et de transition.

Tolérer le développement des marchés financiers dans des domaines clefs tels que l'énergie et le climat paraît insensé.

C'est la force de l'illusion financière que de laisser entendre que la transition écologique pourrait être mise en œuvre à l'aide de nouveaux dispositifs de marché, innovants bien sûr. Le capital s'étend à la nature, à travers une conception utilitariste des écosystèmes dans lesquels nous vivons. La nature devient « capital naturel » et cela tombe bien car le capital naturel est vert, comme le dollar.

Maxime Combes, économiste et membre d'Attac France.

Auteur de Sortons de l'âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, coll. Anthropocène. Octobre 2015

 

Publié dans Politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article